Du 10 décembre 2013 au 7 décembre 2014, les revendications sociales sont "de plus en plus nombreuses", estime la Laddh qui signale que d'importantes manifestations sont organisées pour réclamer "l'amélioration du niveau de vie". À deux jours de la célébration du 66e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et donc de la Journée internationale des droits de l'Homme, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh) a rendu public, hier, son rapport pour 2014, un rapport "dramatique et accablant" sur la situation des droits de l'Homme en Algérie. D'emblée, la Laddh prévient que le système algérien "a voulu entretenir l'illusion d'un changement, là où la réalité est marquée par la continuité dans la répression, les violations des libertés publiques et des droits de l'Homme". Pour preuve, poursuit-elle, les Algériens, qui revendiquent le respect de leurs droits, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, "font l'objet de discriminations, d'arrestations". De plus, elle relève que pour la période allant du 10 décembre 2013 au 7 décembre 2014, les revendications sociales sont "de plus en plus nombreuses", non sans préciser que les importantes manifestations sont organisées pour réclamer "l'amélioration du niveau de vie". Selon la Ligue, il faut distinguer entre "l'égalité formelle proclamée par la loi" et la réalité marquée par "une inégalité réelle dans la vie quotidienne", pour des raisons multiples, "de sexe, mais aussi économiques, sociales, régionales et politiques". Dans ce cadre, elle laisse entendre qu'il est difficile de "se comporter en citoyen", dans l'Algérie de 2014, lorsqu'"on fait partie du million de chômeurs, des sans-logements et des exclus". Un développement local en deçà des attentes Sur ce registre, la Laddh met en exergue les disparités entre les régions, en matière de développement local, qui touchent notamment les habitants des zones rurales. Par ailleurs, elle constate que les réalisations "ne sont point à la hauteur des attentes des citoyens", citant nommément les équipements publics sanitaires, éducatifs et autres programmes d'habitat. Faisant le point sur les violations des conventions internationales sur les droits civiques et des politiques et celles en matière d'équilibres régionaux, elle révèle que les citoyens de certaines wilayas, comme Chlef, "subissent continuellement une marginalisation et une exclusion des postes de haute responsabilité", et ce, depuis de très longues années. Droit au logement et à la santé La politique du logement social, initié par l'Etat pour venir à bout de la crise dans le secteur, "n'a point diminué d'ampleur", selon la Laddh. Cette dernière annonce que ladite politique "n'a pas été à la hauteur des attentes et des revendications contestataires", sans taire l'action de "la maffia de l'immobilier, prépondérante dans ce contexte". Concernant la santé, elle réitère le droit des citoyens en la matière. Non sans s'élever contre "la gestion anarchique" dans ce secteur, les "retards" dans la vaccination des enfants, censée les prémunir contre les virus et maladies infectieuses. Elle déplore, par ailleurs, la situation actuelle dans les hôpitaux, dont bon nombre sont confrontés au "manque de spécialistes, de moyens logistiques appropriés". Non sans omettre d'évoquer "les contradictions" dans la gestion financière des centres de santé et des salles de soins. Bureaucratie et corruption L'autre problème soulevé est celui de la bureaucratie, en particulier au niveau des services des APC et des daïras, avec une "extension" du phénomène, dans certaines régions du pays. La Laddh signale, également, "le phénomène de la corruption (qui) continue de ronger les rouages de l'Etat et une grande partie de la société". Pis encore, le phénomène de la corruption et la dilapidation des deniers publics ont, soutient-elle, "pris, ces derniers temps, des proportions alarmantes", n'épargnant aucune institution. La Ligue insiste sur la présence de "nombreuses anomalies qui minent la législation algérienne en la matière", rappelant que près de 74% des salariés sont recrutés "grâce au piston ou bien à la corruption", et signalant "les anomalies" entourant l'application du décret présidentiel n°10- 236 du 7 octobre 2010, portant réglementation des marchés publics, notamment son article 27. La lutte contre ce fléau "nécessite plus de moyens que ceux mis à la disposition des organes et institutions destinés à cet effet", note-t-elle dans son dernier rapport, tout en demandant aux pouvoirs publics la révision des textes législatifs relatifs à l'institution de l'organe de prévention et de lutte contre la corruption, "de façon à élargir ses prérogatives et renforcer son champ d'action". Droit de réunion et de manifestation Durant l'année en cours, la Laddh affirme que "diverses manifestations ont été interdites et plusieurs autres réprimées", accompagnées d'arrestations et, parfois, le "recours à l'emprisonnement de manifestants". Pourtant, atteste-t-elle, les "contestations populaires" expriment souvent un "ras-le-bol", principalement des zones rurales isolées, privées d'eau, de gaz, de communications et de voies adéquates de transports. Sans oublier les problèmes d'emploi et de formation et celui de la détérioration du pouvoir d'achat. Suicide, criminalité, vols et drogue Le rapport 2014 de la Laddh évoque d'autres fléaux, comme le suicide, qui s'est "dangereusement propagé" dans la catégorie des jeunes ; un phénomène qui a pris "des proportions alarmantes" dans certaines wilayas du pays, en raison, entre autres, des "accablantes détresses", de la "marginalisation sociale" et du sentiment de "hogra". Sur le plan sécuritaire, elle alerte sur le phénomène de la criminalité dont la croissance est liée, selon elle, à la "hausse" du taux de chômage, mais aussi aux "abondantes séries de mesures de grâce" en direction de "nombreux dépravés" et "repris de justice". En outre, la Ligue attire l'attention sur les conséquences des "ventes illicites" de boissons alcooliques et sur les dangers de la drogue et de la prostitution. Pour l'abolition de la peine de mort Sur ce point précis, la Laddh considère que la peine de mort est "un traitement dégradant, injuste et incompatible avec les droits humains". Elle relève avec regret que le gouvernement algérien "ne fait rien" pour concrétiser l'engagement qu'il a pris devant la communauté internationale. Pour la Ligue, l'Exécutif "fait preuve de passivité" face aux "pressions exercées par des lobbies favorables au retour de la peine de mort". Aussi, elle demande "l'arrêt immédiat" de toute condamnation à mort, en appelant la société à se mobiliser en faveur d'une abolition définitive de la peine de mort. D'autres droits bafoués... Dans son dernier rapport, la Laddh revient sur les décalages entre le discours officiel et le terrain de la réalité. Dans ce cadre, il est fait état de "la dégradation" de la situation de l'enfance, se traduisant parfois par "la maltraitance", "la marginalisation de l'enfance assistée", "la consommation des alcaloïdes, les agressions sexuelles sur les enfants et leur exploitation dans le travail". Même constat de déception pour les questions d'"égalité entre les sexes", de "bonne gouvernance", de "violence contre la femme", de "droits des travailleurs" et de "droits des personnes handicapées", ainsi que tout ce qui concerne l'environnement, la culture et les langues amazighes, les disparus et même l'immigration. H A