Ce sont les droits de l'Homme qui se trouvent bafoués, soutient Me Dabouz, qui évoque "un recul très dangereux et effrayant en matière de respect des droits de l'Homme ces dernières années". La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh), aile présidée par Me Salah Dabouz, comprend les dernières déclarations de responsables évoluant dans la proximité du pouvoir sur la peine de mort comme une volonté officielle à revenir sur le moratoire sur les exécutions signé en 1993. Lors d'un point de presse animé hier à Alger, le président de la Laddh a expliqué que la signature du moratoire est intervenue en prélude à l'abrogation pure et simple de la peine capitale. "L'Algérie s'est engagée à l'ONU, en compagnie du Bénin, à faire la promotion en Afrique de l'abrogation de la peine de mort ou, à tout le moins, mener campagne pour la signature de moratoires", devait rappeler Me Dabouz qui n'a pas manqué de dénoncer les manœuvres qui, selon lui, visent à opposer les défenseurs des droits de l'Homme aux religieux sur la question de la peine de mort. Tout récemment, pour rappel, Me Farouk Ksentini, président de la CNPPDH, suggérait que pour ne pas s'inscrire en faux contre le courant religieux, il conviendrait de ne pas abroger totalement la peine de mort. C'est cette suggestion que le président de la Laddh décode comme une volonté du pouvoir à renier l'engagement à faire évoluer le moratoire sur les exécutions en abrogation de la peine capitale. Dans le sillage de ce "reniement", c'est l'ensemble des droits de l'Homme qui se trouve bafoué, soutient Me Dabouz qui évoque "un recul très dangereux et effrayant en matière de respect des droits de l'Homme ces dernières années". Ce recul, note la Ligue dans son rapport annuel en cours de finalisation, est manifeste, s'agissant des libertés individuelles et collectives. "C'est là une conséquence directe de la série d'amendements apportés aux lois depuis 2011", a attesté Me Dabouz, faisant remarquer que "la vague de nouvelles lois restrictives est intervenue avec la levée de l'état d'urgence". Me Dabouz s'est demandé si la nouvelle Constitution ne sera pas, elle aussi, la consécration de toutes les restrictions aux libertés. Des restrictions qu'il illustre en citant l'avant-projet du code du travail qui se propose de resserrer l'étau autour des syndicalistes et des travailleurs en général. "L'avant-projet du code du travail se propose d'étouffer l'activité syndicale et sonne la fin du droit de grève", a alerté Me Dabouz qui note, dans le rapport annuel de sa Ligue, le calvaire vécu par 5 présidents de syndicats autonomes licenciés abusivement, sans possibilité de recours, pour des motifs relatifs à leurs activités syndicales. Le président de la Laddh a évoqué aussi le cas de 4 avocats du barreau d'Oran qui, poursuivis devant le tribunal, se sont vu interdire de disposer d'une défense qui plaiderait leur cause à la barre. "L'un des 4 avocats fait l'objet de la plainte du barreau, suivie de 31 autres plaintes, c'est-à-dire de chacun des membres du barreau", a révélé Me Dabouz, dénonçant l'instrumentalisation de la justice, comme dans les cas de l'inspecteur régional des banques, Ahmed Benramdane, qui, selon le président de la Laddh, se retrouve avec une condamnation pour avoir alerté sur les intimidations dont il fait l'objet suite à son rapport qui dévoilait des "trous" dans la comptabilité de la BEA à Oran. Le président de la Laddh a cité, également, les cas de Youcef Ould Dada, accusé d'avoir mis en ligne une vidéo montrant des policiers cambriolant un magasin à Ghardaïa et incarcéré. Il a aussi évoqué le cas de Djamel Eddine Chaoui, harcelé et poursuivi en justice pour avoir rédigé, en sa qualité de membre de la commission d'observation de l'élection présidentielle, un rapport dénonçant la fraude électorale. Dans son rapport annuel, la Laddh note, par ailleurs, la multiplication des contestations sociales dans les différentes wilayas. "Les émeutes font à chaque fois des victimes, 13 morts à Ghardaïa et 3 récemment à Touggourt. Des émeutes qui, à l'origine, sont des contestations pacifiques, mais qui dégénèrent dès qu'interviennent les forces de l'ordre", a commenté Me Dabouz, qui dit avoir dénombré quelque 11 000 mouvements de contestation depuis le début de l'année. S. A. I.