Selon les représentants de la société civile, cette situation est le résultat de la dilapidation du foncier urbain par de "faux investisseurs", issus des quatre coins du pays. Les pouvoirs publics ignoraient-ils la situation extrêmement tendue qui couvait, depuis déjà quelques années, dans la région d'Ouargla avant l'éclatement, le vendredi 28 novembre, des évènements sanglants de Touggourt ? Le gouvernement n'était-il pas informé sur la réalité des citoyens qui seraient victimes de pratiques douteuses de certains élus et responsables locaux accusés de malversation et de détournement des biens fonciers publics initialement prévus pour l'extension urbanistique ? À moins d'une négligence ou de la lenteur pour agir, des documents, dont on détient des copies, démontrent bien le contraire. Toutes les instances compétentes, ou presque, étaient destinataires, du moins depuis septembre dernier (les accusés de réception font foi), d'un courrier détaillé sur toutes les pratiques de la "mafia du foncier" dans l'ensemble de la wilaya d'Ouargla. (Voir galerie photos) "Nous mettons entre vos mains, et avec preuves tangibles et documents, l'implication des élus dans la dilapidation des zones d'extension urbanistiques sous prétexte d'investir dans les secteurs de l'industrie et/ou de l'agriculture, dans l'ensemble des grandes communes de la wilaya d'Ouargla, et ce, soit en leur nom, soit au nom de leurs proches et parfois même de leurs employés, défiant, du coup, toutes les lois de la République." Il s'agit là de l'introduction d'une lettre ouverte intitulée "Demande d'une enquête sur la dilapidation par des élus du foncier sensible à Ouargla", adressée par des représentants de la société civile au président de la République, avec des copies destinées à plusieurs hautes instances et/ou autorités du pays, dont le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, le ministre de la Justice et Garde des sceaux, le ministre des Finances, l'APN et le Sénat, ou encore la DGSN et le Commandement de la Gendarmerie nationale ainsi que les secrétariats généraux de plusieurs ministères et des directions directement concernés par la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics. Le courrier, dont on détient les copies des accusés de réception, était accompagné notamment d'un document "officiel" dans lequel sont cités, nommément, les noms des bénéficiaires et, dans le détail, tous les lots de terrain concernés. Et cela avec précision de la superficie au mètre près et les dates d'acquisition, parfois dans des délais record ! Y sont cités, notamment, un député et un sénateur bien connus dans la région. La superficie globale des lots de terrain "squattés" par ces derniers et une longue liste d'élus et de responsables locaux, avoisinerait les 200 hectares. Dans cette lettre, les représentants de la société civile ont tenu à informer les pouvoirs publics sur "la gravité de la situation" qui attise la colère des citoyens, non sans les prévenir qu'à défaut d'une intervention en urgence des autorités, la tension sociale ne pouvait être éternellement contenue. "Messieurs, vous n'êtes pas sans savoir que cette question est grave ; elle est dénoncée par toutes les couches sociales dans l'ensemble de la wilaya d'Ouargla, et c'est justement cela qui nous interpelle en tant que société civile, à même de mettre fin à cette dilapidation organisée. Et contenir, du coup, la tension sociale qui monte d'un cran à chaque jour qui passe. Aujourd'hui, la mafia du foncier ne néglige aucune parcelle, car prête à squatter tout le foncier, quitte à passer par la corruption et des pratiques douteuses (...). Nous vous sollicitons, de ce fait, à intervenir à même de freiner cette saignée du foncier et les menaces auxquelles est exposée la société civile dans la capitale des Oasis, (Ouargla)." Les victimes directes de ces pratiques, faut-il le rappeler, sont les simples citoyens de la région dont les familles, souvent nombreuses, cherchent, aujourd'hui, désespérément un logement où un lot de terrain approprié pour la construction. "Nous ne demandons pas plus qu'un petit logement ou une parcelle de terrain de quinze mètres sur dix, avec électricité et eau, pour construire une petite maison et y vivre décemment." Voilà la revendication qui a fait sortir dans la rue les citoyens de la ville de Touggourt où le mètre carré atteint, selon la situation du terrain, entre 4 et 5 millions de centimes. Qui aurait pensé, il y a quelques années de cela, que des Algériens se disputeraient, un jour, des parcelles de terrain dans les vastes étendues du Grand-Sud au foncier quasiment illimité ? Selon les représentants de la société civile, cette situation est le résultat de la dilapidation du foncier urbain par de "faux investisseurs", issus des quatre coins du pays. Le phénomène a pris de l'ampleur depuis, notamment, l'année 2013. Une chose est sûre : les évènements sanglants de Touggourt auraient pu être évités si les pouvoirs publics avaient agi avec autorité et au moment opportun. L'affaire ne fait que commencer... F. A.