Dans leur constat sans concession sur l'université algérienne, Fatma Oussedik, professeur de sociologie, Khaoula Taleb Ibrahimi, professeur de linguistique, et Louisa Dris-Aït Hamadouche, maître de conférences à la faculté des sciences politiques n'ont pas manqué hier de lancer au Forum de Liberté un véritable cri d'alarme quant au sort réservé à la faculté centrale d'Alger dont elles soupçonnent la convoitise par quelques parties influentes en Algérie. Les universitaires en veulent notamment pour preuve le transfert des activités pédagogiques vers d'autres sites de la capitale : "Le processus a débuté dans les années 70 avec le déplacement des études de droit vers Ben Aknoun suivi par les études des sciences dites dures transférées à l'USTHB de Bab Ezzouar. Le mouvement a continué avec le départ des études en langues et des sciences sociales vers le site du Caroubier et celui de Bouzaréah...", explique Mme Khaoula Taleb Ibrahimi. Et ce n'est pas fini ! Ce "démembrement" qui s'est poursuivi jusqu'en 2014 suscite actuellement les pires craintes de la part des universitaires qui ne veulent pas que leur "outil de travail" se transforme en "réserve foncière", dixit la sociologue Fatma Oussedik. Il est appréhendé dans cette affaire des "appétits" d'institutions et de parties "plus ou moins occultes" qui veulent s'accaparer ce site stratégique au centre de la capitale. Il faut dire que ce "lieu de mémoire" a une spécificité unique : c'est la première université du pays. En faisant la lecture d'une pétition qui exige le classement de l'université d'Alger (fac centrale) comme "monument historique", Mme Khaoula Taleb Ibrahimi n'a pas oublié de convoquer de prestigieuses figures de la Révolution algérienne. Et pour cause : "Nous sommes fiers d'avoir poursuivi nos études dans l'université qui a vu les étudiants musulmans algériens s'organiser au sein de l'Ugema et décréter la fameuse grève de 1956. Nous sommes fiers d'avoir été formés dans les mêmes murs qui ont été fréquentés par les martyrs Amara Rachid, Taleb Abderrahmane, Maurice Audin et tous leurs compagnons de lutte qui ont quitté les bancs de l'université pour participer au combat libérateur", a-t-elle souligné. Dans son énumération des références historiques — si tant est qu'elles aient encore de l'importance aux yeux de nos décideurs —, l'oratrice citera également Mohamed Bencheneb, Benyoucef Benkhedda, Pierre Chaulet, Mohamed-Seddik Benyahia, Malika Mufti, Zohra Drif, Hafsa Bisker et Zoulikha Bekkadour, entre autres personnalités dont le nom est associé à jamais à la célèbre "fac centrale" d'Alger. Il est appelé dans cette pétition au maintien de cet établissement "dans le giron de l'enseignement supérieur", ainsi qu'une mobilisation de tous les enseignants pour sauver ce qui tient lieu de première université du pays. Si cet appel solennel est adressé aux deux ministres chargés de l'Enseignement supérieur et de la Culture afin qu'ils appuient et soutiennent cette démarche, c'est en particulier Mme Nadia Labidi qui est interpellée pour "diligenter le plus rapidement possible les procédures institutionnelles pour le classement de l'université dans son site originel et historique de la rue Didouche-Mourad à Alger comme monument historique appartenant au patrimoine national". Espérons seulement que la ministre de la Culture n'adoptera pas la même attitude s'agissant du classement des "Abattoirs d'Alger" voués aujourd'hui à la démolition au grand dam de nombreux artistes qui voulaient en faire, eux, une friche culturelle. Affaire à suivre ! M-C. L.