La Fac centrale se vide de ses étudiants. Depuis quelques années, les salles se ferment les unes après les autres. Des bâtiments entiers sont clos depuis de longs mois», s'étonne un étudiant en pharmacie. Plus qu'un établissement d'enseignement supérieur, la Fac centrale est un symbole, un patrimoine et un repère pour les Algérois et les visiteurs de la capitale. Située entre l'imposante Grande Poste et l'emblématique Place Maurice Audin, la première université algérienne créée par le colonisateur porte une forte symbolique historique. C'est la mémoire figée d'une partie de la Révolution algérienne retraçant la mobilisation des étudiants (UGMA) et la grève du 19 mai 1956. Un établissement qui aura vu l'inscription et l'émancipation de grands noms de la guerre d'indépendance, à l'instar de Amara Rachid, Taleb Abderrahmane, Maurice Audin et aussi Benyoucef Benkhedda, dont elle porte aujourd'hui le nom. Plus tard, elle sera le point rassembleur de l'intelligentsia et de l'élite algérienne, ainsi que des officiels et autres intellectuels d'autres cieux qui se fixaient pour point de chute le restaurant qui en porte le nom, le restaurant de la Fac, pour faire et refaire le monde des heures durant, chacun à sa sauce. Mais aujourd'hui, «le site accueille essentiellement l'administration et quelques centaines d'étudiants, les postes gradués en littérature arabe, les étudiants en pharmacie et ceux de l'institut d'interprétariat. Réellement, l'endroit fait peur», note un ancien responsable au sein de l'administration de la Fac centrale. Certains résidants du boulevard Didouche Mourad suspectent dans le dépeuplement des lieux des visées sécuritaires, notamment d'ordre politique, «car l'essentiel des manifestations et rassemblements politiques se passe aux alentours de la Fac centrale. Pour éviter que la force estudiantine adhère à ces mouvements, il fallait donc la délocaliser», suspecte-t-on. D'autres, à l'instar du professeur en sociologie, Fatma Ouseddik, soupçonne la probable convoitise du site par des requins de l'immobilier. Lors d'un forum organisé en décembre dernier par notre confrère Liberté, le professeur de sociologie Fatma Oussedik tirait la sonnette d'alarme sur «des appétits d'institutions et de parties plus ou moins occultes qui veulent s'accaparer du site». Elle appellera lors de la même intervention les officiels concernés et les enseignants à se mobiliser à travers une pétition pour le classement de l'Université comme monument historique appartenant au patrimoine national. Mais le recteur de l'université d'Alger réfute toutes ces suspicions. Selon Tahar Hadjar, la Fac centrale restera un établissement dédié à l'enseignement supérieur, même si les étudiants en pharmacie, spécialité qui subsiste encore sur le site, seront déménagés dès juin prochain. Ainsi, le recteur révèle que l'établissement accueillera une nouvelle faculté des sciences. Dès septembre 2015, cette structure comptera cinq départements, à savoir celui des mathématiques, de physique, de chimie, de biologie et d'architecture. Les étudiants de HEC, déménagés de Tafourah vers Koléa, seront également réinstallés à la Fac centrale. Ainsi, le recteur de l'Université d'Alger rassure sur le devenir de l'emblématique Faculté au centre d'Alger. Seulement, il reste au ministère de la Culture de mettre du sien en classant ce site comme patrimoine national, le protégeant ainsi de toute convoitise, si tant est que ce classement protège réellement et que l'histoire des «Abattoirs d'Alger» ne fasse pas jurisprudence.