En octobre 2002, le président Bouteflika s'est prévalu d'une invitation personnelle du président Lahoud pour se rendre à Beyrouth et assister, en invité, au sommet de la francophonie. Cette fois-ci, il n'a pas eu à justifier sa présence à Ouagadougou, comme si sa participation allait de soi. C'est que, s'agissant de la France chiraquienne, les vigiles qui, en Algérie, montent la garde contre les compromissions avec “l'ennemi” et le retour insidieux du colon, ont baissé la garde. Depuis qu'elle a adopté la position qu'on lui connaît sur la question de l'intervention américaine en Irak, la fréquentation de l'ancienne métropole n'est plus contestable. La disponibilité française, quand il s'est agi de la prise en charge médicale de Yasser Arafat et des cérémonials funéraires après son décès, a fini par imposer la France comme allié du monde arabo-musulman. L'arabisme comme l'islamisme ne peuvent s'offrir deux “ennemis” en même temps. Le minimum tactique exige de cultiver les contradictions franco-américaines, faute de pouvoir exploiter quelque contradiction euro-américaine. Bien sûr, la question du rapport de l'Algérie à la francophonie comme espace politico-culturel ou comme cadre multilatéral n'a aucune chance d'être posée à brève échéance. Le tabou continue à être entretenu par les intérêts conservateurs, et le premier qui oserait envisager la moindre mise en relation structurelle de l'Algérie avec l'entité francophone offrirait aux idéologies du statu quo et de la régression l'aubaine tant attendue pour confirmer leur fonction de dépositaires de notre authenticité arabo-islamique ! La conjoncture géopolitique qui entourait le sommet de Ouagadougou a permis à Bouteflika de s'y montrer sans avoir à se justifier et sans craindre les foudres de l'aile idéologique du régime et de ses soutiens. Là, comme à Beyrouth, il s'agit d'afficher une attitude personnelle faite d'intérêt et d'ouverture envers la francophonie qui, paradoxalement, dissimule le refus de se poser la question de notre rapport à la francophonie. L'audace symbolique cache, ici comme ailleurs, l'irrésolution politique. La démarche semble d'ailleurs bien convenir à l'esprit de la “famille francophone”. Handicapée par le retard politique de beaucoup de ses membres, hésitant sur la question des valeurs démocratiques et de l'Etat de droit, elle se fait hésitante sur les problèmes de fond. Et tarde à adopter les positions de principe qui, au Commonwealth par exemple, ont amené à la suspension du Zimbabwe. Alors le 9e sommet passé, nous n'aurons plus rien à nous dire sur la francophonie, cette notion étrange et étrangère. En attendant de revoir notre président siéger au 10e sommet, en 2006 en Roumanie. Si les circonstances idéologiques du moment le permettent. M. H.