Après trois ans d'illégalité, l'exécutif actuel va céder le pouvoir à une équipe de “confiance”. Les responsables de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) étaient, durant toute la semaine, en conclave en leur siège à Alger. Devant le portail de la modeste bâtisse, resté fermé et gardé, une affiche discrète et laconique rappelle aux visiteurs, aux curieux aussi, la suspension des visites, de quelque nature que ce soit, sous quelque prétexte que ce soit. “Il n'existe pas de cellule d'information, vous insistez pour rien”, tranche sèchement l'un des agents de sécurité, une personne âgée au sens de la discipline élevé. Derrière lui, dans les vieux bureaux de l'ONM, les membres du secrétariat national, organe exécutif, alternent les réunions, multiplient les contacts, préparent le déroulement des travaux, s'entourent des meilleures garanties de succès. La date du congrès ? Elle a été communiquée en début de semaine par le quotidien gouvernemental El Moudjahid. Elle n'est ni confirmée ni infirmée par les services de l'organisation, visiblement pris dans la tourmente des préparatifs. Pourquoi communiquer quand on n'a pas le souci de la transparence ? La date est en tout cas certifiée, lundi soir, par le département presse de la présidence de la République, lequel demande les noms des journalistes devant assurer la couverture du déplacement du chef de l'Etat au Palais des nations de Club-des-Pins pour prononcer une allocution à l'occasion des dixièmes assises de l'ONM. Créé dans le sillage des appareils de l'Etat, au lendemain de l'indépendance, cette organisation satellite du pouvoir se dévoie volontiers et se plie aux exigences du dogmatique socialisme naissant de la République algérienne, déjà dirigée de main de maître par une armée revenue des années auparavant des frontières conquises. La nébuleuse n'est pas atypique : ceux qui sont à l'intérieur ne disent rien, ceux qui sont à l'extérieur ne savent rien. Les récents cris de détresse qui parviennent à la surface se heurtent à un silence de mépris, destiné à jeter le discrédit sur les voix réfractaires. Dotée de la mission honorifique de défense des droits des moudjahidine, l'ONM se mue rapidement en organisme politique navigant dans la sphère de son puissant ministère de tutelle. Ce dernier est géré, depuis décembre 1999, par son ancien secrétaire général, le contesté Mohamed-Cherif Abbas, successeur — à la tête de l'organisation en juin 1996 — du non moins contesté Ali Kafi. Cette année 1996 était jusque-là un repère important, un indice révélateur de la léthargie constante et historique de la nébuleuse. Elle marque tout simplement le déroulement du dernier congrès de l'ONM. La grande rencontre, qui débute aujourd'hui au Palais des nations, en présence de M. Abdelaziz Bouteflika devait se tenir l'automne dernier ; elle a été annulée officiellement pour cacophonie interne, mais le report a été politique et tactique. Logiquement, les triomphateurs de l'élection présidentielle du 8 avril dernier devraient, dans leur élan, confortablement installer une équipe docile, de confiance, débarrassée des intermédiaires et placée directement sous leur contrôle. Peu importe le nom, la tâche compte davantage. Maintenant que l'Etat reconnaît publiquement l'existence des “faux moudjahidine”, il restera à contenir l'extension de l'hémorragie et protéger les signataires, eux-mêmes protégés par la loi, grâce auxquels les usurpateurs ont proliféré à l'ombre de l'impunité. Trois jours durant, quelque mille congressistes triés sur le volet (estimation de la rédaction, se référant à des sources bien informées) tenteront de faire face à leurs détracteurs, réunis en “bureaux de wilaya” et emmenés par le fougueux Mustapha Bougouba de Tipasa. Mais ni la confrontation théâtrale entre les deux tendances ni la guerre de leadership supposée entre le RND et le FLN n'empêcheront l'élection d'un (ou d'une ?) secrétaire général devant succéder légalement à Mohamed-Cherif Abbas, Cherif Dâas n'étant lui-même qu'un intérimaire. Mais son secrétariat national composé d'une vingtaine de membres, dont certains ne sont plus, toujours selon nos sources, élabore et exécute les plans de l'ONM de manière irrégulière depuis 2001. Les quelque trois cents membres du conseil national se trouvent dans la même situation. Démenti du colonel Hassan “Suite à l'article de Lyès Bendaoud de votre journal daté du 30 novembre 2004, paru en page 3, je tiens à vous signaler que les propos tenus par un certain Bougouba ne peuvent me concerner, de même que je ne suis concerné ni de près ni de loin par le congrès. Par conséquent, je suis dans l'attente d'une rectification signée par l'auteur de ces propos. Dans le cas contraire, c'est la justice qui sera chargée de cette affaire.” L. B.