Si l'origine algérienne des criminels, auteurs de la lâche fusillade perpétrée contre le journal satirique français, Charlie Hebdo, est, sans cesse, évoquée dans la quasi-totalité des médias du monde, ce n'est guère le cas du brillant correcteur, Mustapha Ourrad, cet enfant de Beni Yenni, lui aussi tué dans cette même attaque barbare qui a fait, mercredi dernier, 12 morts et 6 blessés. Mustapha Ourrad est né en 1954 au village Aït Larbaâ, à quelques encablures du chef-lieu de la daïra de Beni Yenni, à Tizi Ouzou. Mustapha Ourrad y a vécu jusqu'à 1978, année durant laquelle il quitte le pays pour s'établir définitivement à Paris. Son bagage intellectuel, son intelligence, sa culture et surtout sa maîtrise de la langue de Molière n'ont pas tardé à lui permettre d'intégrer une maison d'édition puis Viva, le magazine des fédérations des mutuelles de France, et plus tard, la rédaction du célèbre Charlie Hebdo. Dans son village natal, à Aït Larbaâ, tout jeune, on le surnommait "Baudelaire". Si parmi les jeunes générations on n'a, pour la majorité, entendu parler de lui qu'après sa mort tragique, parmi sa génération bien des hommes se souviennent de lui. "Mustapha a suivi sa scolarité chez les Pères blancs. Tout jeune, il était déjà très fort en littérature, il avait déjà une grande maîtrise de la langue française", se souvient encore Mohand Saïd. "C'était un brillant élève, intelligent et timide", se remémore-t-il encore. Arezki, un cousin éloigné de la victime, se souvient que Mustapha était orphelin très jeune. Il avait à peine 7 ans lorsqu'il a perdu son père Mouloud en 1961 et pris sous les ailes de ses oncles. "Ce drame ne l'a pas, pour autant, empêché de continuer à croquer la vie à pleines dents. Mustapha, c'était à la fois plein de sérieux et d'anecdotes", se souvient Nacer, un autre habitant de la région qui a eu à le fréquenter durant ses dernières années passées au village. "Il nous a fait découvrir la littérature française et il nous l'a fait aimer. Il ne lisait pas un auteur français sans venir nous l'expliquer par la suite. Il avait tout le temps l'énergie et l'œil pétillant d'intelligence", se rappelle encore Nacer. "À la prononciation de Mustapha, j'ai naturellement cru que c'est à consonance orientale. J'étais loin d'imaginer que ça pouvait être lui", dit-il. Bachelier au début des années 1970, Mustapha poursuit ses études à Alger avant de quitter le pays. Depuis, le lien avec le village qui l'a vu naître devient des plus ténus. Au point que personne, ou presque, dans la région ne savait ce qu'il était advenu du jeune "Baudelaire" d'autrefois. Les siens redécouvrent son nom dans le tragique, mais avec beaucoup de fierté. Dans cette région où l'on connaît mieux que partout ailleurs la valeur du bijou pour l'avoir de tout temps travaillé, "Mustapha est une perle de perdue". S. L.