Nous avons fait la fac ensemble durant les années 1970. Il avait entamé des études de médecine, mais il s'intéressait beaucoup plus à la littérature et aux arts», nous a dit Slimane Hachi, directeur du CNRPAH, rencontré hier à Ath Larbaâ. «Nous venons de perdre un grand homme de notre village, dans un acte terroriste ignoble perpétré en France. Les forces du mal frappent encore. Un carnage sans précédent a ébranlé Paris, où toute la rédaction d'un journal a été décimée», a lâché un citoyen rencontré à l'entrée d'Ath Larbaâ, village de Mustapha Ourad, correcteur au Charlie Hebdo, assassiné, avec 11 autres personnes, dans la fusillade qui a ciblé, mercredi, la rédaction de ce journal satirique. La population de cette bourgade, située à quelques encablures du chef-lieu de la commune d'Ath Yenni (40 kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou) est attristée par cette tragique disparition. Les citoyens que nous avons rencontrés devant la maison familiale du défunt sont unanimes à dire que Mustapha était un homme humble, très cultivé et surtout très intelligent. Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques et historiques (CNRPAH), lui aussi enfant de la région, nous a dit : «Nous sommes très affligés. Le défunt était un copain d'enfance. Nous avons fait la fac ensemble durant les années 1970, durant cette période où l'Algérie voulait construire une élite. Il avait entamé des études de médecine, mais il s'intéressait beaucoup plus à la littérature et aux arts. Il lisait beaucoup les grands philosophes. Il aimait aussi la poésie», a-t-il ajouté avant de souligner que le regretté a quitté le pays depuis 35 ans. «Il n'est pas revenu en Algérie depuis 1980. Moi, je l'ai revu, pour la dernière fois, en 1999, en France. Je pense beaucoup à sa femme et ses enfants Lounis et Louiza», nous a-t-il encore précisé. Beaucoup de gens de sa génération gardent toujours de lui l'image d'une personne pleine de vivacité et surtout d'humour. «Sincèrement j'ai eu les larmes aux yeux quand j'ai appris la nouvelle de son lâche assassinat. Nous avons beaucoup d'anecdotes de jeunesse avec Mustapha, surtout durant la période de ses études à Alger, où on se voyait pratiquement chaque jour. Mais malheureusement, depuis son départ en France, je ne l'ai plus revu», a témoigné un sexagénaire toujours sous le choc causé par cette disparition. Le cousin de Mustapha Ourad, Mouloud, nous a également raconté l'enfance du défunt, qui était, selon lui, orphelin de père et de mère depuis son jeune âge. «Il a perdu ses parents alors qu'il avait à peine cinq ans. Ils ont vécu, lui et sa sœur, chez leurs oncles Abdelkader et Youcef», nous a-t-il fait savoir. D'autres gens de sa génération affirment que Mustapha disposait d'une intelligence hors du commun. «Il avait un grand sens de l'humour et aussi un goût poussé pour la littérature et la poésie, tout en étant scientifique. Il lisait des auteurs comme Nietzsche, André Gide, Malraux et Charles Baudelaire. Il était très sensible et aimait aussi partager. Nous sommes tristes aujourd'hui, car notre ami d'enfance vient de nous quitter dans des circonstances dramatiques. C'est ignoble», a déclaré Ouidir, un autre ami d'enfance du regretté, qui a grandi à Ath Larbaâ, une bourgade située à 200 mètres à vol d'oiseau de Taourirt Mimoun, le village de l'illustre écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri, et du penseur Mohamed Arkoun. Les membres de la famille Ourad préparent une veillée à la mémoire de Mustapha. «Il sera enterré en France, mais on doit lui rendre hommage ici, car il le mérite amplement», a lancé un proche du regretté.