Younès Grar, consultant en TIC, juge, dans l'entretien qui suit, que les chiffres relatifs à la 3G sont "bons". Il reste cependant à expliquer ce que recouvre la définition de "l'abonné". Liberté : Le bilan de la 3G a été finalement rendu public, il y a quelques jours, par l'ARPT. Huit millions d'abonnés à la 3G, est-ce un bon chiffre, selon vous ? Younès Grar : Oui, c'est même un très bon chiffre. Nous avions prédit avant le lancement de la 3G, un déploiement important vu que les Algériens, dans leur majorité, ont moins de 35 ans, sont concernés par les nouvelles technologies et leurs usages. Un responsable du secteur avait annoncé juste avant le lancement des offres 3G que d'après des études le nombre d'abonnés devrait atteindre les trois millions dans un délai de cinq ans. J'avais personnellement lancé un défi que ce nombre serait atteint en moins d'une année. Avec le black out total imposé par l'ARPT sur les chiffres de la 3G pendant une année, il a fallu attendre les premiers chiffres annoncés par Ooredoo suivis du rapport de l'ARPT pour mesurer l'ampleur du développement de la 3G en Algérie. Maintenant, il reste à définir "l'abonné" pour avoir une idée plus claire sur le marché de la 3G. Sinon, il faut tout de même être satisfait de ces chiffres après juste une année d'activités et un long feuilleton de lancement qui a duré une dizaine d'années. Ceci prouve que les Algériens majoritairement jeunes sont accro des nouvelles technologies et ne sont pas une exception de ce qui se passe à travers le monde. Ce succès avec les blocages de double numérotation et complexité de déploiement à travers les wilayas, montre que les responsables en charge du secteur des technologies de l'information et de la communication ont sous-estimé le marché de la 3G. Ce succès est dû entre autres au faible déploiement de l'ADSL et les difficultés d'obtention de lignes téléphoniques et aussi le semi- échec du lancement de la FTTH. Il faut aussi souligner que du chemin reste à faire pour améliorer la qualité des connexions 3G, sa généralisation et la réduction de ses tarifs.
Qu'a apporté la 3G aux particuliers, aux entreprises et aux TIC, de manière plus globale ? La 3G à permis aux Algériens de découvrir l'internet mobile dans les bus, les salles, les jardins et resté connectés là où ils sont. Ils ont même découvert grâce à la 3G le haut débit. Télécharger à 10 Mbps n'était pas possible avec l'ADSL qui a fait souffrir les internautes algériens à cause de son instabilité, ses coupures et son faible débit. Des images de test de débit 3G dépassant même 10 mbps ont été diffusées et partagées sur les réseaux sociaux. Les entreprises ont aussi profité de la 3G surtout celles dont les demandes ADSL sont restées sont suite depuis des mois. La 3G a permis à ces entreprises de se connecter à internet et profiter de la navigation sur la toile, consulter ses e-mails, communiquer à travers les réseaux sociaux ... La 3G a aussi permis une utilisation plus importante des tablettes et smartphones. Certaines applications se sont imposées grâce à cette technologie: la généralisation GPS par exemple. Ce qui reste à faire en plus de la généralisation et l'amélioration de la qualité des services 3G, c'est de développer un contenu local permettant aux Algériens d'accéder aux services électroniques touchant aux différents secteurs: e-administration, e-commerce, e-santé, e-education, etc. Certaines administrations et entreprises, pour ne pas fournir des services en ligne présentaient comme prétexte le manque de connexions Internet fiables et à la portée des citoyens ainsi que la cherté des PC. La 3G a par ailleurs permis de contribuer à résoudre les problèmes d'acquisition de terminaux et d'accès au haut débit. Il reste à développer le contenu à travers la mise en ligne des différents services électroniques. L'Algérie reste un pays mal classé en matière de TIC, à l'échelle régionale et internationale. Quelle stratégie faut-il adopter pour que cela change ? L'Algérie occupe toujours le bas du tableau dans le classement des pays par rapport au développement des technologies de l'information et de la communication. Les indicateurs sont clairs et objectifs: taux de connexion au haut débit, accès aux terminaux, disponibilité des services en ligne, etc... Les classements des différents organismes montrent que le secteur des TIC n'est pas pris en charge sérieusement. Le défilement de plusieurs ministres à la tête de ce secteur avec toujours les mêmes résultats a confirmé que le problème est au niveau de la structure elle-même et non dans sa composante. J'avais proposé avec plusieurs acteurs et professionnels depuis une dizaine d'années, avant la transformation du ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (PTT) en ministère des Technologies de l'information et de la communication (TIC) , de créer une structure rattachée à la présidence ou au Premier ministère pour prendre en charge ce secteur et œuvrer à la mise en marche de la société de l'information. Les TIC ont cette spécificité de transversalité puisqu'elles touchent à tous les domaines. Une délégation très légère structurellement avec des compétences jeunes pour sortir les TIC de ce marasme est faisable. Et cela constitue une option très sérieuse pour préparer l'après-pétrole. Pour la 4G, c'est une évolution naturelle. Il faut préparer l'introduction et le lancement de la 4G en concertation avec les opérateurs et les consommateurs pour éviter les erreurs commises lors du lancement de la 3G. Le plus important, c'est de réfléchir sérieusement à mettre en place une industrie de contenu pour mettre en ligne les services dont a besoin le citoyen et introduire ces technologies dans les différents domaines sur la base d'une stratégie claire et avec des objectifs mesurables. La délégation proposée à la place du MPTIC, composée de jeunes compétences et rattachée à la présidence pourra aider à bien exploiter ces technologies 4G, 5G, pour sortir notre pays de sa dépendance du pétrole.