C'est là une belle leçon de citoyenneté que viennent d'administrer les habitants du Sud, hommes et femmes, au gouvernement qui a brillé par son silence. Un silence méprisant et périlleux en ces temps de crise. Face au silence pour le moins méprisant des pouvoirs publics, les habitants d'In-Salah, ont investi la rue par milliers, jeudi, pour exprimer leur refus catégorique à l'exploitation du gaz de schiste dans leur région. "Non, non, non au gaz de schiste", "Samidoune, samidoune, lil ghaz essakhri rafidoune" (nous résistons et refusons le gaz de schiste, ndlr) sont les principaux slogans repris en chœur tout le long de l'itinéraire de l'imposante marche qui a sillonné l'essentiel des boulevards de cette ville où le nombre de casernes se le disputent à celui des maisons. Selon les estimations, y compris de certains policiers ayant assuré l'encadrement de cette grandiose marche, le nombre des marcheurs se situerait entre 20 000 (selon des sources sécuritaires) et 30 000 personnes (selon les organisateurs), entre femmes et hommes de tous âges. Ces derniers sont venus des différentes communes relevant de la daïra d'In-Salah, dont les lointaines communes de Tit et d'In-Ghar, respectivement à 100 km et à plus de 60 km, ou encore celles de Hanou, Fougarate Ezzoua et Fougarate El-Aârab. Bien organisés, les manifestants ont brandi plusieurs pancartes aux slogans expressifs dans au moins trois langues : "Ya raïs waqef el-ghaz essakhri el khassis" (Président arrête ce gaz de schiste maudit), en arabe, "Non au gaz de schiste", en français, ou encore, en anglais, "Not for shale gas". Le message, on ne peut plus légitime, qu'ils veulent faire passer est clair, net et précis : arrêter le forage du gaz de schiste lancé dans la région d'Ahnet. Sans quoi, les "résistants" d'In-Salah ne sont pas près de baisser les bras. Et la guerre d'usure à laquelle semble vouloir jouer le gouvernement ne décourage pas à présent les citoyens d'In-Salah qui boudent toutes leurs activités depuis déjà une quinzaine de jours. Pour eux, c'est même "une question de vie ou de mort" ; "Si nous nous taisons, le gaz de schiste nous tuera certainement un jour, donc nous sommes prêts à résister autant qu'il le faudra quitte à mourir de faim et de soif sur cette place où nous ne comptons surtout pas lever nos tentes avant que le gouvernement ne décide de l'arrêt définitif de son projet d'exploitation du schiste", assume B. Taleb, sorti avec sa petite famille pour marcher contre le gaz de schiste. Ce manifestant se dit "très inquiet" pour les habitants de la région dont l'environnement est déjà suffisamment pollué par les émissions de gaz à effet de serre et de CO2 causées par l'industrie gazière classique. Le même militant antigaz de schiste est, par ailleurs, très remonté contre la ministre de l'Environnement pour avoir soutenu, récemment, que le site choisi pour l'exploitation du gaz de schiste serait "inhabité et inhabitable". "C'est honteux d'entendre cela de la bouche de cette ministre censée défendre et protéger l'environnement", regrette-t-il. L'imposante marche antigaz de schiste s'est poursuivie durant toute la matinée de jeudi. Et comme c'est devenu une habitude depuis le premier du jour du soulèvement populaire, les manifestants ont regagné la grande place faisant face au siège de la daïra où leur mouvement se poursuit toujours... Visiblement embarrassées, car prises de court, les autorités peinent toujours à trouver une issue à cette crise qui pèse sérieusement non seulement sur la région, mais sur le pays tout entier. F. A.