La nouvelle politique de financement du service public, fondée sur un allègement de la charge financière du Trésor, envisagée par le gouvernement, est la stratégie adoptée, en ces temps de crise, par les pays développés, émergents et ceux dotés d'une économie assainie. L'Exécutif semble vouloir vivre l'air du temps et se mettre au diapason des mesures résilientes prises par les puissances mondiales face à la dégringolade des cours du pétrole. Devant la chute ininterrompue des prix du brut, le staff de Sellal veut apparemment changer son fusil d'épaule. Même si l'argentier du pays refuse de parler d'austérité, pour le moment, il n'en demeure pas moins que l'Etat a, d'ores et déjà, tranché pour une révision à la baisse des subventions dédiées aux transferts sociaux lesquels, selon lui, représentent 30% du PIB annuellement. Il s'agit, pourtant, d'une réforme à laquelle ont appelé depuis une trentaine d'années de nombreux économistes très au fait des politiques économiques de par le monde. Abdelhak Lamiri qui encourage les pouvoirs publics à suivre cette voie estime qu'"au lieu de subventionner les services ou les produits, il serait plus judicieux de fixer un prix réel et d'orienter les subventions aux citoyens dont les revenus sont inférieurs à 50 000 DA, par exemple". En termes plus clairs, l'expert propose un meilleur ciblage de ces subventions. Le soutien, les allocations, les aides et autres assistance devront être orientés vers la frange la plus défavorisée. Une telle solution peut être appliquée aisément pour les salariés. Le problème se posera, nuance-t-il, pour les non-salariés. Car, l'Algérie, argue-t-il, ne dispose pas encore d'un système d'informations efficient. "Notre pays n'est pas suffisamment outillé pour mettre en œuvre pareille décision", précise-t-il. Quelle est, actuellement, l'institution ou l'administration qui peut fournir des statistiques ne serait-ce qu'approximatives sur le marché informel, les véritables sans-emplois... dans notre pays ? Négative est la réponse de Pr Lamiri, contacté hier. D'où l'opportunité, suggère-t-il, de former, de prime abord, les ressources humaines (RH), en faire des spécialistes en statistiques et mettre en place ensuite un système d'information à même d'aider les dirigeants dans la prise de décision engageant l'avenir du pays. "Les administrations ne sont pas prêtes pour une telle mesure !" Ces deux éléments (formation et système d'information) occupent une place prépondérante dans les différentes interventions d'Abdelhak Lamiri. À propos du nouveau modèle de croissance ayant pour base un financement de l'économie par le marché, projeté également par l'Exécutif, notre source avoue que l'idée a été précédemment proposée aux décideurs mais ces derniers n'en ont pas tenu compte. "Le gouvernement a refusé cette démarche par le passé, mais il envisage de l'entreprendre, de nos jours, à cause de la chute des prix de l'or noir et ses retombées sur l'économie nationale", affirme M. Lamiri. Le ministre des Finances, qui a expliqué ce choix économique au Conseil de la nation, fait sienne de la déclaration du Premier ministre qui a annoncé le mois de décembre dernier que les grands projets ne seront plus financés directement par l'Etat, mais à travers uniquement les banques. "Nous allons changer le mode des financements", déclarait M. Sellal. La mise en œuvre de cette mesure ne sera pas une mince affaire, souligne M. Lamiri, car les RH ne sont pas qualifiées et formées suivant les standards internationaux et les entreprises demeurent sous-gérées. "Sans ces deux paramètres, à savoir la formation des RH et le management des entreprises et des administrations, aucune réforme ne peut enregistrer des résultats probants et toute politique économique est vouée à l'échec", persiste encore l'économiste. La nouvelle résolution gouvernementale connaîtra-t-elle en fait un début d'exécution incessamment ? Si les prix du pétrole reprennent leur envol dans les mois à venir, l'Exécutif, pense Abdelhak Lamiri, va abandonner cette piste. Dans le cas contraire, il doit s'acclimater à l'environnement international et mettre en exécution ses intentions parce que, explique l'économiste, il n'aura pas de quoi payer ses différentes dépenses. B. K.