Peut-on mettre la charrue avant les boeufs? Un de nos experts en économie, Abdelhak Lamiri, vient de proposer «la création d´une institution nationale chargée de la planification à long terme» lors d´une conférence tenue à Alger, lundi dernier. Chacun sait que le propre de la planification est de disposer de réponses fiables à au moins 6 questions. Qui, quoi, où, quand, comment et combien? D´où peut-on obtenir des réponses fiables à ces questions? Des statistiques évidemment. Or, tout le monde connaît l´état dans lequel se trouve cet outil. Il se trouve, justement, que le même jour, le secrétaire d´Etat de la statistique, Sid Ali Boukrami, se trouvait à Blida où il a présidé un séminaire ayant pour thème «Un système de statistiques au service d´une politique économique efficace». Il s´est adressé principalement aux opérateurs économiques afin de les sensibiliser sur la nécessité du recensement économique. Tout en soulignant qu´il était temps de «mettre en place un système national efficace de statistiques économiques» en précisant «l´importance de la communication» pour ce faire. On ne peut être plus clair. Des statistiques efficaces font actuellement défaut. Celles dont on dispose n´ont pas bénéficié de la meilleure communication. Faut-il ajouter que ce qui est valable pour des statistiques économiques l´est également pour celles qui sont comprises dans le volet social (emploi, logement, santé, démographie, enseignement, formation professionnelle, fléaux sociaux, etc. Oui, M.Lamiri a raison, il nous faudra bien faire, un jour, de la planification et pas seulement à long terme. Le court et le moyen ne sont ni superflus ni un luxe. Le tout est de disposer, d´abord et avant tout, de statistiques fiables. Et si cet expert en économie pense à une structure gouvernementale par «institution nationale», nous lui rappellerons qu´un secrétariat d´Etat chargé de la planification a existé dès le 3e gouvernement de notre pays, le 21 juillet 1970. Le poste avait été confié à M.Abdallah Khodja jusqu´en 1979 où celui-ci devint carrément un ministère à la tête duquel fut nommé M.Abdelhamid Brahimi avant sa suppression en 1982. Comprendre la suppression du ministère pas de Brahimi qui revint deux années plus tard comme chef de gouvernement et rétablira le ministère de la Planification qu´il confiera à M.Ali Oubouzar. En 1986, un nouveau gouvernement est nommé, toujours dirigé par Abdelhamid Brahimi mais avec le portefeuille de la Planification en moins. La chute du prix du pétrole devait inciter une réduction des dépenses publiques. Depuis, plus personne n´a entendu parler de «structure gouvernementale» de planification. Ce qui n´est pas une mauvaise chose car la plaisanterie avait assez duré. Qu´avait-on planifié dans les gouvernements successifs de 1970 à 1986? Tout le monde se rappelle des multiples pénuries vécues à l´époque. Quels bilans peuvent aujourd´hui présenter M.Abdallah Khodja et M.Abdelhamid Brahimi pour justifier les dépenses inscrites aux budgets de leur poste? Aucun, puisque aujourd´hui, nous en sommes encore et seulement à envisager la mise en place de «statistiques efficaces». Il faut que nos experts se départissent des effets d´annonce et n´avancent que des idées sensées. Ce n´est que lorsque M. Boukrami aura achevé la mise en place «d´un système national efficace de statistiques» que l´on pourra penser à créer «une institution nationale chargée de la planification» voulue par M.Lamiri. Pas avant. Sauf si on veut encore «jeter l´argent par la fenêtre» et décrédibiliser encore plus notre administration. N´est-il pas temps d´arrêter de se raconter des histoires? D´être enfin plus sérieux?