Le choc pétrolier actuel va avoir de grosses conséquences sur la balance des paiements. C'est en 2015 que l'Algérie entrera dans le dur. Pour preuve, les avertissements de la Banque centrale qui met en garde contre la détérioration des capacités financières du pays. Selon Mohamed Laksaci, le choc pétrolier actuel va avoir de très grosses conséquences sur la balance des paiements et sur le déficit budgétaire qui devrait se creuser. L'année 2015 démarre avec un pétrole au plus bas depuis six ans : sous la barre des 50 dollars le baril. Pour l'économiste Yassine Benadda, les membres de l'Opep, en décidant de ne pas réduire leur production de pétrole, ont contribué à accélérer la chute des cours de celui-ci. "Cette stratégie, qui a eu pour répercussion de fragiliser des petits pays producteurs comme l'Algérie, a eu des conséquences immédiates sur les revenus d'exportations. Dans leur ensemble, ceux-ci reculent de 2 milliards de dollars en 2014 et de moins de 20 milliards en 2015, avec les exportions hors hydrocarbures", souligne-t-il. L'économiste ajoute que compte tenu de la prééminence des hydrocarbures dans l'économie, "le manque à gagner de ceux-ci aura aussi des effets indirects sur la croissance hors pétrole, avec des conséquences sur : la fiscalité non pétrolière, l'augmentation du chômage, les déficits des entreprises publiques et les IDE à moindre mesure pour une perte globale sur notre économie entre 25 et 30 milliards de dollars". Les banques publiques ne seront pas en reste puisque, selon Yassine Benadda, elles devraient être fortement exposées à cause de leurs "engagements auprès des sociétés publiques". Il y a certes cette manne fabuleuse de réserves en devises engrangée lorsque le baril planait largement au-dessus des 100 dollars. Reste que l'Algérie n'a pas profité de l'embellie financière de la longue période du baril fort pour diversifier son économie et réduire la tendance boulimique des importations. Elle va se retrouver à recourir au Fonds de régulation des recettes (FRR). Cela offre une marge de manœuvre suffisante pour couvrir ledéséquilibres budgétaires à court et moyen terme. Mais "il ne faut pas oublier qu'à horizon de dix ans, nous perdrons 44 milliards de dollars de revenus pétroliers", avertit l'économiste. Dans ces conditions, "ces marges de manœuvre devront être exclusivement dédiées à diversifier l'économie en dehors des hydrocarbures, en encourageant les secteurs qui disposent d'un potentiel de croissance et de création d'emplois", poursuit-il. Yassine Benadda esquisse quelques pistes qui pourraient atténuer un tant soit peu les conséquences de cette chute des prix du pétrole. Il évoque ainsi le fait de contracter uniquement les dépenses publiques qui n'ont aucun impact ou peu d'impact favorable sur l'économie, ceux-ci dans le but de ne pas créer des effets négatifs sur la croissance. Pour cela, il plaide, entre autres, pour la réduction des subventions à l'énergie en les ciblant, la baisse des avantages pour les enfants d'anciens moudjahidine, le transfert d'activités non rentables vers le secteur privé, la maîtrise de la masse salariale et l'optimisation des achats de l'Etat. En parallèle, il préconise de geler les dépenses d'investissement de l'Etat à hauteur de ceux de 2014, soit une baisse de 12 milliards de dollars. "Ce gel devra toucher certaines dépenses d'infrastructures non prioritaires, les dépenses d'équipements militaires non urgentes, etc.". Il s'agit également, selon lui, de dégager des marges de manœuvre supplémentaires au travers d'outils de financement comme les partenariats public/privé, l'encouragement de l'investissement par le secteur privé ou l'amélioration de l'évaluation des projets et les procédures de mise en œuvre pour baisser les coûts des investissements. Pour finir, l'augmentation des recettes fiscales est une nécessité. Cela passe par la mise en place de la TVA sociale qui implique une hausse de la TVA, associée à une baisse des charges sociales qui permettra d'augmenter les salaires, d'alléger la pression sur le travail et de faire participer les importateurs qui ont souvent profité des mécanismes de subventions à travers une taxe sur les transferts des devises sur les produits importés destinés à la revente en état. S. S.