Le vol de cheptel en Algérie a enregistré, depuis ces quatre dernières années, une croissance vertigineuse et a connu des modes opératoires qui ont changé la carte criminelle au vu du recours par des organisations criminelles au meurtre des éleveurs, à l'usage d'armes à feu, aux incendies criminels et prémédités et à la naissance d'un nouveau mode de recel dans les abattoirs, les boucheries et les marchés aux bestiaux. Autrefois circonscrits lors des fêtes ponctuelles, notamment religieuses, d'une part, et dans des zones géographiques bien définies, comme les Hauts-Plateaux, d'autre part, ces crimes touchent, désormais, toutes les wilayas du pays, causant, souvent, mort d'homme. Malgré l'institution de registres qui détaillent le nombre de têtes inventoriées chez les maquignons et les éleveurs lors des déplacements, de vente ou d'achat, les services de la Gendarmerie nationale peinent à juguler ce phénomène qui prend de l'ampleur. Pour y faire face, les experts, chargés d'étudier les scènes de crime, ont été sollicités au niveau de l'Institut de criminologie et de criminalistique (INCC-GN) de Bouchaoui pour développer des approches de lutte contre ces organisations criminelles, notamment quand il y a crime de sang lors de ces vols et quand cette richesse nationale est destinée aux pays voisins via les filières transfrontalières. Hier, lors d'une journée d'études consacrée à cette thématique, sous l'intitulé "La gestion de la scène de crime de vol de cheptel", il ressort que le nombre de malfaiteurs varie entre 2 et 7 personnes, dotées d'armes blanches et que la plupart des vols sont perpétrés en nocturne. Souvent cagoulés, les malfaiteurs utilisent des camions et des camionnettes, et ce, après que le passage à l'acte prémédité est commis et la cible choisie dans la plupart des enclos non gardés. Les experts ont également démontré que certains vols sont commis sous la menace d'armes blanches (bâtons, couteaux et barres de fer), pour intimider les victimes, les ligoter avant de prendre la fuite, comme ils ont recouru aux armes à feu. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2014, les gendarmes ont démantelé 85 bandes pour vols de cheptel et ont arrêté 1 536 personnes, dont 650 écrouées, avec en sus 20 000 têtes restituées à leur propriétaire. Les intervenants ont notamment conclu que "le vol de cheptel touche particulièrement les Hauts-Plateaux". En ce sens, les experts ont révélé que le vol de cheptel est un créneau lucratif, un gain facile pour les bandes de malfaiteurs spécialisées et causent de graves préjudices aux propriétaires de bétail. L'exploitation des données relatives au vol de cheptel enregistrées en 2014 par la GN fait ressortir un total de 2 031 affaires, avec un préjudice de 34 250 têtes. Concernant le type de cheptel volé, la GN a relevé que les ovins, avec 30 572 têtes, demeurent les plus convoités par les malfaiteurs, et à un degré moindre les caprins avec 2 440 cas, les bovins avec 1 193 cas, les équidés 37 cas et les camélidés avec 8 têtes volées. Il faut savoir que l'élevage en Algérie représente plus de 25% des recettes brutes de l'agriculture et constitue l'un des principaux revenus de l'économie rurale. Avec un cheptel ovin évalué à 22,5 millions de têtes et 2 millions de têtes de bovin, l'élevage attire la convoitise des bandes de malfaiteurs organisées et constitue une atteinte à la sécurité alimentaire. Aussi, le vol du bétail est géré sur le plan national puisqu'il participe à la paupérisation des populations rurales. Du coup, cette rencontre a eu le mérite de rappeler aux participants la nécessité de passer au cap supérieur de lutte contre ces organisations criminelles et de prendre en considération les cas concrets et multidisciplinaires traités et présentés par les experts de l'INCC-GN. Signalons, enfin, que la GN, et pour une lutte efficace, a mis en place des mesures répressives, dont des actions locales basées sur les modes opératoires des malfaiteurs, les moyens utilisés, les itinéraires empruntés et tous les aspects spatio-temporels des vols enregistrés, le déploiement des patrouilles et points de contrôle de proximité, la présence permanente sur le terrain, notamment les marchés et la sensibilisation des éleveurs dans les zones agropastorales, les zones réputées de l'élevage et du pâturage, très fréquentées par les voleurs de bétail ainsi que dans les marchés aux bestiaux. F.B.