Mohamed Bousaltane, enseignant à l'Université d'Oran, a bien fait de mettre en exergue le principe d'objectivité. Dans le cas du législateur algérien, le rappel était sans doute utile, lui qui, en la matière, se plaît à copier les autres. Les systèmes constitutionnels, a expliqué M. Bousaltane, sont devenus un patrimoine universel dont il faut certainement tirer profit tant qu'ils ne remettent pas en cause la souveraineté des peuples et ne portent pas atteinte à leurs valeurs. “Ces systèmes, a-t-il affirmé, sont à prendre sous leur aspect scientifique, source d'objectivité. Il n'y a point de complexe à cela.” Quant à mal copier, la donne relève d'une autre histoire. Pour l'enseignant d'Oran, bien clair dans sa communication, le Conseil de la nation “n'a certes pas la prérogative de légiférer ou de proposer des lois — d'aucuns y verront un déni de droit flagrant —, mais il dispose d'une arme non moins redoutable que consacre paradoxalement la limitation de ces attributs. Cette limitation fait qu'il peut arrêter le processus des projets de loi en s'opposant à leur adoption à la majorité des trois quarts de ses membres. Aussi détient-il, grâce au recours à la commission paritaire, la possibilité de revoir la confection des textes ; en cela, il dispose d'un véritable droit de veto en matière de législation”. Les initiateurs de ce texte (l'article 120 de la Constitution, objet du séminaire d'hier à l'hôtel El-Aurassi, ndlr) étaient, selon lui, sous l'influence de l'hégémonie d'un courant politique sur l'APN : “La création du Conseil de la nation constitue une ceinture de sécurité supplémentaire à même d'empêcher le pouvoir législatif d'imposer des lois au pouvoir exécutif, mais cela était susceptible en raison des querelles éventuelles entre les deux Chambres du Parlement de bloquer les institutions constitutionnelles.” Mohamed Bousaltane a également relevé la contradiction entre l'article 120 de la Constitution et les articles 28 de la loi organique et 61 du règlement intérieur de l'APN. Celles-ci ont trait au débat à l'intérieur de l'Assemblée et aux amendements éventuels, alors que le premier concerne la proposition des lois. Son collègue, Yelles Chaouch Bachir, de la faculté de droit d'Oran, s'est exprimé sur la problématique, devenue complexe, de la législation. Plusieurs organismes interviennent désormais dans cette opération, a-t-il soutenu. “Celle-ci, résume-t-il, n'est plus du ressort exclusif du Parlement, mais aussi du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel, voire de l'Administration. De là apparaît une sorte de contradiction par rapport au Parlement : tout le monde reconnaît son indispensable utilité pour l'exercice démocratique, sauf que, dans le même temps, ses prérogatives s'amenuisent au profit de ces institutions, ce qui le rend moins légitime.” M. Yelles qualifie le Conseil constitutionnel de “législateur associé” et l'Administration dépasse sa fonction initiale d'“outil exécutoire” et de “servante” et devient d'abord “conception” puis carrément “maîtresse”. “Il s'est produit ainsi, selon lui, un double transfert du pouvoir. Du Parlement vers le pouvoir exécutif dans un premier temps puis, dans un second temps, à l'intérieur de ce même pouvoir des hommes politiques vers les fonctionnaires spécialisés. Ce phénomène est mondial.” Conclusion : “Le Parlement ne dispose plus d'une souveraineté absolue dans la confection des lois (…)”. Omar Saddouk, de l'Université de Tizi Ouzou, a pour sa part développé la relation de l'article 120 avec les autres articles de la Constitution, notamment les articles 7 (exercice par les deux Chambres de la souveraineté), 9 (respect des valeurs), 80 (débat général et présentation du programme du gouvernement), 115 (loi organique régissant les deux Chambres) et 177 (droit de l'Assemblée et du Conseil de la nation à proposer un amendement constitutionnel au chef de l'Etat). L. B.