Dans un pays où les hydrocarbures comptent pour 97% des recettes d'exportations, cette potentielle manne gazière issue des gaz de schiste a largement pu suffire à convaincre les autorités de s'y lancer. Recourir aux hydrocarbures non conventionnels serait, en effet, un moyen de répondre à l'explosion de la demande interne qui affecte les capacités et à respecter les engagements interna- tionaux de l'Algérie. D'ailleurs, le 27 décembre 2014, Sonatrach a mis en service le premier puits-pilote algérien d'exploration de gaz de schiste dans le bassin d'Ahnet, dans la région d'In Salah (Sud de l'Algérie). Reste que cette aventure nécessite à la fois de lourds investissements et des équipements spécifiques. Contrairement au conventionnel où c'est l'exploration qui est difficile et qui comporte beaucoup de risque, pour le non conventionnel, la difficulté et le risque sont dans l'exploitation. Les formations géologiques visées ne peuvent être exploitées qu'à partir de puits horizontaux avec une fracturation étagée. Cette technologie, la seule qui permette aujourd'hui d'extraire pétrole et gaz de schiste, est devenue l'objet de toutes les peurs. Certes, il y a peu de différence entre les deux systèmes, sauf que pour le conventionnel nous possédons le savoir-faire et l'expertise, pour le non conventionnel il faut maîtriser certaines nouvelles techniques et notamment la fracturation hydraulique. Au-delà des problématiques environnementales, l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste nécessitent une grosse logistique. En moyenne, pour produire 1 tcf (28 bcm) de gaz de schiste, il faut 333 puits sur 169 km2 (13 kmx13km). Cela donne un aperçu sur le nombre de puits à forer. Quant on sait que depuis 1962, l'Algérie n'à foré qu'un peu plus de 5 000 puits, l'écart est phénoménal. Selon les estimations de la Sonatrach, l'Algérie devrait forer quelque 200 puits par an pour pouvoir produire 20 milliards de m3 annuels. Pour atteindre les objectifs voulus, on sera obligé de forer autour de 200 000 puits sur 30 ans alors que le parc d'appareils de forage en Algérie est insuffisant. Les spécialistes estiment qu'il faudrait au minimum 200 ou 300 appareils de forage, alors qu'actuellement l'Algérie n'en dispose que de 70. On sait aussi que les non conventionnels ont besoin de beaucoup d'eau (entre 10 000 et 15 000 m2 par puits), donc des installations hydrauliques pour l'acheminement de cette eau et des installations pour la récupération et le traitement de l'eau après utilisation. Selon le ministère de l'Energie, Sonatrach aura besoin de 1,2 milliard de mètres cubes sur toute la période. Quant au traitement de cette eau utilisée, on a recours à de grosses installations qui doivent être démontées au bout de 5 ans maximum (durée d'exploitation d'un puits). Ajoutez à cela toute la logistique qui va avec, en termes de parc roulant et installations annexes. De plus, tout un réseau de pistes devra relier entre eux tous ces puits pendant la période de forage pour permettre le passage d'engins et camions, et après, pendant la phase d'exploitation, si le gaz est évacué par citernes. Si le gaz est évacué par gazoduc, c'est tout un réseau de gazoducs à construire pour relier tous ces puits d'abord entre eux puis à un centre d'évacuation sur le réseau national. Certes, les interconnections entre gisement sont maîtrisées par Sonatrach et sont déjà couramment réalisés pour les cas conventionnels. Mais pour les non conventionnels la donne change compte tenu de la durée de vie très courte des puits. En effet, le déclin de la production est de l'ordre de 70% après trois années seulement d'exploitation. Ce qui suggère que le développement éventuel de cette activité à des niveaux significatifs exigerait des investissements récurrents de grande ampleur pour maintenir une production au-delà de quelques années. Par ailleurs, le coût d'un puits de schiste peut s'évaluer aujourd'hui entre 15 et 20 millions de dollars, avec des délais de réalisation 25% plus longs que pour un puits conventionnel. Ce qui soulève la question de la rentabilité des gaz de schiste.