Aux états-Unis, entre 2005 et 2009, les 14 principales entreprises du domaine de la fracturation hydraulique ont utilisé plus de 2500 produits chimiques contenant 750 composés, parmi lesquels 650 contenaient des substances chimiques considérées comme étant des agents cancérigènes ou de dangereux polluants atmosphériques. Alors que les compagnies américaines Halliburton et Weatherford implantés à Hassi Messaoud ont procédé, récemment, à l'envoi des installations lourdes et des équipements de forage ainsi que des produits chimiques vers In Salah et Adrar, pour la réalisation des nouveaux forages de gaz de schiste, les autorités se contentent d'affirmer que "nous sommes toujours dans une phase d'expérimentation et d'évaluation". L'état algérien, visiblement fortement ébloui par les chiffres qui ont été donnés dans le rapport américain EIA (Energy Information Administration), publié en juin 2013 et qui a fait état d'un immense potentiel gazier en Algérie, estimé mais "non encore prouvé" de 707 trillions de mètres cubes, a donné son feu vert pour l'exploitation de ce gaz en mai 2014, dans sept réservoirs situés dans le Sahara algérien. Alors que beaucoup d'experts continuent d'attirer l'attention de l'opinion et des autorités sur les risques que contiennent les procédés de fracturation hydraulique sur l'environnement, les rapports publiés depuis 2008 sont éloquents à plus d'un titre. Quel impact sur l'environnement ? Le climatologue Jean Jouzel a assuré, dans un blog du journal Le Monde, que le gros problème du gaz de schiste est qu'il est "par essence, extrêmement polluant, quelles que soient les techniques d'extraction". Bien qu'il émette moins de CO2 que le charbon ou le pétrole lors de son utilisation, "les risques de fuite de méthane liés à sa production annihilent complètement son avantage environnemental", explique-t-il à ce propos. Dans un autre article publié sur le site online français LaSantéPublique, le 26 juin 2013, la journaliste Angèle Davison, s'appuyant sur une étude réalisée aux états-Unis en 2011, dont les résultats ont été publiés le 9 mai 2011 dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), relève que "l'impact grave de l'exploration hydraulique du schiste sur la santé et l'environnement est sans équivoque". L'étude a en effet confirmé la contamination des puits d'eau potable situés à proximité des sites de forage de gaz de schiste, et cela après des analyses effectuées par des scientifiques de l'université Duke (Caroline du Nord) de 141 puits alimentant les maisons du bassin riche en gisements de schiste du site de Marcellus, au nord-est de la Pennsylvanie et au sud de l'état de New York. Avec des concentrations de méthane 6 fois supérieures à la moyenne et en éthane 23 fois plus élevées que la norme autorisée, l'eau à destination des habitations se trouvant à moins d'un kilomètre des sites de forage ne serait plus consommable. Le méthane provenant du schiste dépasse 10 mg par litre d'eau, ce qui est considéré comme étant le maximum autorisé par les autorités sanitaires américaines et un potentiel danger pour la population. Selon la même étude, les risques de contamination de la nappe phréatique sont donc réels. Un autre rapport d'étape, publié en novembre 2011 par l'agence fédérale américaine, a révélé des cas de pollution relatifs aux activités gazières. Une contamination de l'eau par les hydrocarbures, la baisse des ressources en eau, l'augmentation de la salinité et des fuites du liquide de fracturation ont été fortement marquées. Le même rapport a ajouté l'existence des risques sismiques, identifiés à Blackpool (Grande-Bretagne) et dans l'état du Cohahuila, au Mexique, près de zones de forage. Additifs chimiques utilisés dans la fracturation : un danger pour la santé ? Dr André Picot, toxico-chimiste et président de l'Association Toxicologie-Chimie (ATC Paris), s'est penché, lui, dans un bilan toxicologique et chimique publié en décembre 2012, sur les effets des additifs chimiques utilisés au cours des différents processus de l'extraction du gaz de schiste. Dr Picot a notamment confirmé que l'eau ayant circulé sous forte pression dans les différentes couches sédimentaires va se charger en sel et en différents éléments chimiques minéraux qui peuvent être libérés grâce à l'action de divers constituants du liquide de fracturation, voire des micro-organismes. Il ajoute que les roches, en particulier riches en hématite (Fe2, O3), hébergent des colonies de bactéries quasi anaérobies, sulfato-réductrices, comme la desulfovibrio de sulfuricans, qui se nourrissent de sulfures métalliques et libèrent du sulfure de dihydrogène (H2S), un gaz très toxique rencontré souvent dans les gaz remontés au cours de la fracturation. A rappeler que, selon les spécialistes, ce gaz nauséabond tue plus rapidement que le monoxyde de carbone (CO). De nombreux sels hydrosolubles (beaucoup de ces éléments sont toxiques pour l'homme) qui apparaissent, notamment dans les eaux usées rejetées lors de la fracturation, dont certains très toxiques (As, Ba, Cd, Pb, Ti,...). Dans le même contexte, Alfredo Jalife-Rahme, professeur de sciences politiques et sociales à l'Université nationale autonome du Mexique, dans un article publié dans la Jornada et traduit par Arnaud Bréart pour le Réseau de presse volontaire, a mis en exergue les résultats du rapport rédigé en 2011 par des députés démocrates de la Chambre des représentants des Etats-Unis siégeant à la commission de l'énergie et du commerce qui ont élucidé le secret des substances chimiques associées à la fracturation longtemps caché. "Aux Etats-Unis, entre 2005 et 2009, les 14 principales entreprises du domaine de la fracturation hydraulique ont utilisé plus de 2 500 produits chimiques contenant 750 composés parmi lesquels 650 contenaient des substances chimiques considérées comme étant ‘des agents cancérigènes' ou de dangereux polluants atmosphériques". Pr Jalife-Rahme ajoute que les compagnies multinationales pétrolières et gazières, comme Schlumberger et Halliburton, qui s'occupent actuellement de la réalisation des forages pour l'extraction du gaz de schiste à In-Salah, utilisent pour l'hydro-fracturation des produits "contenant 29 substances chimiques qui sont reconnues comme étant cancérogènes pour les êtres humains et elles sont assujetties à la loi sur le contrôle de la qualité de l'eau (Safe Drinking Water) en raison des dangers qu'elles comportent pour la santé publique, connues sous le nom de BTEX (benzène, toluène, xylène et éthylbenzène)". Quid de la rentabilité économique ? Les prix de vente du gaz de schiste sont actuellement très bas aux Etats-Unis, et nettement inférieurs aux coûts d'exploitation, une situation qui dégringole depuis 2008 où les prix se sont effondrés à 60%, soit entre 2 et 3,5 dollars le BTU (British thermal unit), alors que le prix d'équilibre du BTU pour les entreprises, selon Corinne Lepage, eurodéputée, se situe autour de 7 dollars. Les compagnies américaines vendent donc à perte. Jacques Cambon du réseau Attac France Forum social alternatif de l'eau a réalisé une étude critique du scénario SIA Conseil qui prévoyait en septembre 2011 la création de 100 000 emplois en France grâce à l'industrie du schiste. Il arrive, en se référant à des données du MSETC (Marcellus shale education and training center), à des chiffres nettement inférieurs. Pour lui, la création brute d'emplois serait de quelques centaines seulement. "Pour un nombre d'emplois très limités obtenus dans ce secteur, combien d'autres emplois seraient perdus dans le domaine du tourisme et de l'agriculture?", s'interroge-t-il. Quels procédés pour l'extraction du gaz de schiste ? Selon des spécialistes, pour l'heure, seule la fracturation hydraulique est utilisée, et semble-t-il pour longtemps encore, malgré les assurances des responsables du gouvernement qui évoquent "des techniques modernes sans risques", alors que toutes les recherches menées à ce jour affirment que les dégâts sur l'environnement seraient difficilement réparables. Un procédé à l'évidence exigeant de grandes quantités d'eau pour l'hydrofracturation, ce qui va poser un énorme problème dans les régions concernées par l'exploitation qui se situent déjà dans des zones où la pluviosité est extrêmement rare et ne possédant que les eaux souterraines comme ressources hydriques. A noter que pour maintenir une production élevée, il faut forer sans cesse de nouveaux puits, soit dix à cent fois plus que pour le pétrole conventionnel, d'après la direction du groupe Total. Rappelons tout de même qu'à l'été 2012 aux Etats-Unis, il a fallu arbitrer entre l'extraction du gaz de schiste et l'agriculture après l'utilisation d'énormes quantités d'eau dans la technique de fracturation. Notre pays dispose, selon les spécialistes, de tous les atouts pour mettre en place une politique d'exploitation des énergies renouvelables de proximité (solaire thermique, solaire photovoltaïques, éolien, hydroliennes, biomasse...). Ces technologies innovantes, qui comportent beaucoup plus de bénéfices que de risques et sont surtout compétitives économiquement, peuvent dès maintenant se substituer au pétrole. C.G.