Ce sont les magistrats Regag et Hilali qui ont été désignés pour présider, respectivement, le procès de Sonatrach 1 et celui de l'autoroute Est-Ouest. Tous les deux sont présidents de la chambre pénale de la cour d'Alger, qui en compte au total 11. Le tribunal criminel près la cour d'Alger a fixé la date du 15 mars pour le procès de Sonatrach 1 et le 25 mars pour examiner l'affaire de l'autoroute Est-ouest. Le magistrat Regag a fait un long passage à la cour de Chlef avant de rejoindre Alger. Il est spécialisé dans les affaires criminelles et de corruption. Quant au président de la huitième chambre pénale, en l'occurrence Tayeb Hilali, il a eu à statuer sur notamment l'affaire "de transfert illégal de devises d'Alger à Alicante" et celle de ABM-DGSN dont le procès s'est tenu le 29 janvier 2012, en dépit du retrait de la défense en guise d'ultime acte de protestation contre la disparition du fameux rapport interne de la DGSN, du dossier judiciaire. Tayeb Hilali est particulièrement connu pour ses rapports tumultueux avec les avocats. On lui compte plusieurs incidents d'audience avec le bâtonnier d'Alger, Adelmadjid Sellini. Les procès de Sonatrach 1, ainsi que celui de l'autoroute Est-Ouest risquent d'être ponctués par des protestations de la défense contre la non-comparution en audience, au moins en tant que témoins à décharge, de personnalités citées dans ces scandales. Les avocats constitués dans l'affaire Sonatrach 1 et le dossier autoroute Est-Ouest ont, tout au long de l'instruction, réclamé l'audition de l'ex-ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, et l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Ils ne manqueront certainement pas de réitérer cette demande à l'ouverture de ces deux procès. Si, pour la forme, le juge chargé de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest a entendu Amar Ghoul par écrit, en lui transmettant pas moins de 17 questions, le magistrat chargé du dossier Sonatrach 1 a, quant à lui, fait l'impasse sur l'audition de Chakib Khelil. Dans sa réponse au juge d'instruction, Amar Ghoul a bien entendu nié en bloc tous les faits révélés par certains inculpés dont Mohamed Kheladi, ex-responsable de la direction des nouveaux projets de l'Agence nationale des autoroutes, les qualifiant, tantôt de "mensonges", tantôt de "pures fabulations" ou "de tentative de nuire à sa réputation". Le juge d'instruction s'est intéressé en premier lieu à sa supposée relation avec le marchand d'armes, Pierre Falcone, et Boussaïd Nessredinne, dit Sacha et s'ils ont été réellement conviés à une réunion ministérielle restreinte qui devait se tenir autour du principe "pétrole contre autoroute Est-Ouest". Amar Ghoul rétorque qu'il ne connaît pas Pierre Falcone et que ce dernier n'a aucun rapport avec son département. Il a démenti également avoir envoyé Addou et aussi l'homme d'affaires, Kouidri, comme intermédiaires auprès de la société française, Egis, pour négocier des commissions. Amar Ghoul a certifié qu'aucune relation de travail ne lie cette entreprise avec son département. Il faut préciser que cette question lui a été posée par le juge d'instruction, après qu'Addou eut déclaré avoir été chargé par Ghoul de rencontrer à Paris les responsables de l'entreprise française, Egis Route, afin de négocier des commissions. Ce qui a permis, selon l'enquête, à Egis de remporter la maîtrise d'œuvre du tronçon ouest du projet pour un contrat de 60 millions d'euros. L'audition d'Amar Ghoul, de Chakib Khelil et de Pierre Falcone réclamée par la défense Cité par l'homme d'affaires Sid-Ahmed Tajeddine Addou comme l'architecte du système de corruption mis en place, Pierre Falcone n'a même pas été entendu durant l'instruction. À croire Tajeddine Addou, Pierre Falcone aurait empoché 9% des deux contrats (lots centre et ouest) enlevés par le consortium Citic-CRCC. Et c'est le puissant lobbyiste et homme d'affaires algéro-luxembourgeois, Chani Medjdoub, qui deviendra le principal accusé dans ce scandale dont le total des commissions et pots-de-vin est évalué à près d'un milliard de dollars. Chani aurait joué le rôle d'intermédiaire entre de hautes personnalités de l'Etat algérien et les responsables du groupement chinois Citic-CRCC. Des services qui lui ont permis de décrocher des commissions de plus de 30 millions de dollars américains. Les investigations menées par la justice ont abouti à l'inculpation de dix-huit personnes. Toutes doivent répondre des chefs d'inculpation suivants : association de malfaiteurs, trafic d'influence, corruption et blanchiment d'argent. Dans le cadre de l'affaire Sonatrach 1, la défense n'a cessé également de réclamer l'audition de Chakib Khelil comme témoin à décharge. Les auditions des quatorze prévenus et celles d'une quinzaine de témoins se sont achevées, en effet, sur de nombreuses interrogations quant à la responsabilité de l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, dans cette vaste opération de corruption. Tous les actes de gestion de Sonatrach étaient supervisés par Chakib Khelil L'ancien P-DG, Mohamed Meziane, placé sous contrôle judiciaire, et ses deux enfants en détention provisoire, les vice-présidents, Benamar Zenasni, chargé de l'activité transport par canalisation — sous mandat de dépôt, Belkacem Boumedienne, chargé de l'activité Amont — en détention provisoire — et Chawki Rahal, chargé de l'activité commercialisation — placé sous contrôle judiciaire —, ont tous soutenu que tous les actes de leur gestion étaient soumis à l'appréciation du ministre de l'Energie. Certains par écrit, y compris pour les marchés de télésurveillance pour les bases du sud du pays. Selon des sources proches du dossier, Mohamed Meziane, l'ex-P-DG, "ne faisait rien sans se référer à Chakib Khelil. Même pour le cas de ses deux enfants, l'un travaillant pour Saipem et l'autre pour Contel, les deux sociétés étrangères détentrices des marchés, objet de ce scandale, il en avait fait part à son ministre". Plus de 1 600 contrats paraphés durant l'ère Khelil sont frappés de suspicion. Ce scandale, qui a éclaté en janvier 2010, concerne des contrats de gré à gré accordés au groupe Funkwerk Plettac Contel pour des équipements de contrôle et de sécurité, et à l'italienne Saipem, où exerçaient les deux enfants de l'ex-P-dg. La tenue de ces deux procès publics, prévue en mars prochain, permettra-t-elle d'établir la part de vérité dans les révélations de Sid-Ahmed Tadjeddine Addou, mais aussi dans celles de Mohamed Kheladi, ancien directeur des nouveaux projets à l'Agence nationale des autoroutes (ANA), concernant l'ex-ministre des Travaux publics, aujourd'hui ministre des Transports, accusé d'avoir empoché des commissions ? Connaîtra-t-on le lien de Mohamed Bédjaoui, l'ex-ministre des Affaires étrangères, cité comme devant faire partie d'un Conseil ministériel restreint boycotté à la dernière minute par le ministre de l'Energie, Chakib Khelil, qui aurait contesté, selon Chani Medjdoub, la présence de Pierre Falcone ? Saura-t-on vraiment qui a orchestré le pillage de l'entreprise nationale d'hydrocarbures, Sonatrach ? Les zones d'ombre laissées par l'instruction ont toutes les chances de persister à la fin de ces deux audiences, qui ne sortiront pas du cadre de l'arrêt de renvoi. N.H.