Jamais dans les annales de l'Algérie indépendante, un mouvement de protestation n'aura duré autant que celui mené, depuis le 1er janvier 2015, par les citoyens d'In-Salah, hostiles au gaz de schiste. Plus de cinquante jours après son enclenchement, la mobilisation est, en effet, restée intacte. Mieux, elle se renforce davantage au fil des jours, voire des mois, en ce sens que la plus importante manifestation est programmée pour aujourd'hui 24 février, date célébrant la nationalisation, en 1971, des hydrocarbures... Pour marquer un point en cette occasion symbolique, le collectif citoyen compte réussir l'organisation, aujourd'hui, d'une grande marche. Ainsi, les citoyens, femmes et hommes, de cette ville résistant contre le gaz de schiste, sont attendus par milliers pour investir la rue. "La mobilisation est au top", nous a affirmé, hier au téléphone, à la veille de cette "grande" marche annoncée, Abdelkader Bouhafs, un des membres les plus influents du collectif citoyen appelé aussi "groupe des 22", formé depuis l'avènement du mouvement antigaz de schiste à In-Salah. Le choix de la date n'est pas fortuit. Le Président est très attendu pour se prononcer sur le sujet du gaz de schiste à l'occasion de cette date anniversaire célébrant la nationalisation des hydrocarbures. Si des rumeurs circulant déjà à In-Salah et ailleurs font état d'un éventuel discours positif du chef de l'Etat par rapport à la revendication citoyenne de renoncer au projet du gaz de schiste, du moins sur le site d'In-Salah, les militants, eux, exigent de lui une "décision officielle" et "une réponse claire" à leur proposition de "moratoire" transmis il y a quelques jours aux services de la présidence. "En vue d'ancrer la confiance entre les citoyens concernés et le pouvoir central, nous vous demandons officiellement, monsieur le Président, comme cela se fait dans d'autres pays de par le monde, de soutenir notre revendication, à savoir décréter un moratoire sur le projet d'exploration et/ou d'exploitation du gaz de schiste par la technique de fracturation hydraulique, en Algérie", lit-on dans la proposition transmise par les militants antigaz de schiste au président de la République, l'exhortant, au passage, à prendre "une décision historique et claire". Pour les citoyens d'In-Salah, c'est une condition sine qua non. "Seule l'annonce d'une décision claire peut convaincre les citoyens à renoncer à leur mouvement de protestation et permettre à la vie de reprendre son cours normal dans la ville d'In-Salah", tranche M. Bouhafs pour qui l'arrêt du projet d'Ahnet ne suffit pas sans cette décision revendiquée. En fait, l'arrêt des travaux du puits (ou des puits) d'Ahnet a déjà commencé depuis quelques jours, et pas plus tard qu'hier, plusieurs gros camions, apprend-on des militants, sont arrivés pour évacuer les installations et le matériel des entreprises engagées. Parallèlement à cette opération d'évacuation "supervisée" par un groupe de manifestants dont les tentes sont dressées depuis quelques jours à même le site (à 35 km de la ville), les pensionnaires de la place Essoumoud (résistance), au centre-ville, ont, par ailleurs, improvisé, durant la journée d'hier, une campagne de boisement. Il était question d'implanter une cinquantaine d'arbres pour symboliser leur résistance qui dure depuis près de deux mois. C'est aussi une manière de dire qu'il y a bien d'autres activités et investissements de loin plus utiles et plus rentables que le gaz de schiste à promouvoir à In-Salah... Le message est clair. F. A.