Quarante-huit heures après la sortie télévisée mercredi soir du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, la situation au sein des militants et autres manifestants antigaz de schiste est, pour le moins qu'on puisse dire, confuse à In-Salah. La journée d'hier a été marquée par les divergences dans le discours des militants antigaz. D'un côté le "groupe des 22", constituant les représentants du collectif citoyen ayant mené jusque-là le front antigaz de schiste, qui, visiblement, se déclare satisfait de la réponse des autorités. Du coup, il tente de convaincre les citoyens afin de mettre un terme au mouvement de contestation. De l'autre côté, des citoyens beaucoup plus radicaux qui exigent toujours une réponse claire concernant la fermeture des puits lancés dans la région. Mieux, certains se démarquent même de ce collectif qu'ils annoncent "dissous" depuis jeudi dernier, soit au lendemain du passage d'Abdelmalek Sellal dans l'émission "Hiwar Essaâ". Pis encore, même au sein du collectif, le discours est loin d'être cohérent, dès lors que certains membres affichent un optimisme béat alors que d'autres se montrent plutôt perplexes. "Nous sommes sereins qu'une décision positive pour l'arrêt des forages soit prise. Déjà M. Sellal l'a clairement laissé entendre dans son discours, sauf qu'il n'a pas été compris par les citoyens, car il a mal communiqué. Donc, pour nous, c'est un problème de mauvaise communication. Sinon, je répète encore une fois, nous sommes optimistes quant à voir notre revendication satisfaite. Autrement dit, les forages seront bientôt fermés, ce n'est qu'une affaire de temps, car la fermeture d'un puits de gaz ne peut pas se faire dans l'immédiat. Cela nécessite tout un processus de travaux pour la sécurisation du puits puis son nettoyage. Et pour s'assurer de l'arrêt des forages, donc d'exploitation du schiste, nous exigeons la mise en place d'une commission technique de suivi pour contrôler de près ces travaux jusqu'à la fermeture effective de ces forages", a déclaré Mohamed Azzaoui, membre du "groupe des 22". Et d'ajouter que les autorités s'engagent, en outre, à intégrer prochainement une nouvelle disposition dans la loi sur les hydrocarbures, pour que ce soient les P/APC qui valideront à l'avenir tout projet énergétique. Indirectement, cette disposition, explique-t-il, a pour objectif d'associer les représentants des citoyens aux décisions qui seront prises en amont par les hautes autorités du pays. Dans son discours, M. Azzaoui a affiché, pour la première fois depuis la montée au créneau du front antigaz de schiste, sa satisfaction quant à la bonne volonté des pouvoirs publics d'aller dans le sens de l'apaisement. Selon lui, il ne reste plus qu'à expliquer aux citoyens que la fermeture des forages est belle et bien décidée, mais qu'elle nécessite du temps pour être effective. Même son de cloche chez une bonne partie de ses collègues, et notamment auprès des représentants des manifestants, qui se chargent de transmettre le message aux citoyens lambda, visiblement encore réticents à croire en la bonne foi des autorités et qui refusent toujours à lever leur camp installé devant le siège de la daïra depuis plus de trois semaines. Cependant, d'autres, à l'instar d'Abdelkader Bouhafs, ingénieur en télécommunications, se montrent encore sceptiques tant qu'aucune décision concrète n'est rendue publique. "Certes, nous avons eu écho qu'il peut y avoir une décision positive par rapport à notre revendication, à savoir l'arrêt des forages du gaz de schiste. Néanmoins, nous exigeons des autorités une réponse claire et concrète, peu importe qui la prononcera. Il faut qu'ils nous confirment qu'il n'y aura pas de fracture hydraulique et donc pas d'extraction de gaz de schiste. Sans quoi ne nous sommes pas prêts à renoncer à notre mouvement", déclare ce membre du "groupe des 22". Contrairement à lui, les membres "optimistes" semblent avoir été convaincus par les assurances qu'ils ont reçues de la part des autorités, et ce, après moult tractations. Après la réunion tenue dans l'après-midi de jeudi dernier, soit au lendemain de l'émission "Hiwar Essaâ", avec le chef de daïra, Abdelkader Moulay, et la commission de sécurité, M. Sellal semble avoir définitivement rassuré le "groupe des 22" pour qui la fin du mouvement de protestation s'impose désormais. La différence dans l'approche ne divise pas pour autant les deux camps. Dans leur communiqué rendu public jeudi dernier, les membres du collectif citoyen se démarquent, à l'unisson, des tentatives de déstabilisation du mouvement citoyen qu'ils dirigent depuis son déclenchement, le 1er janvier dernier. Ils se déclarent également disposés au dialogue et opposés au radicalisme. Néanmoins, ils n'hésitent pas à accuser le Premier ministre d'avoir jeté de l'huile sur le feu, ce qui risque, à leurs yeux, de voir le mouvement citoyen d'In-Salah échapper à toute maîtrise. À l'heure où nous mettons sous presse, il est encore tôt pour tirer des conclusions au vu de la confusion qui entoure le mouvement citoyen d'In-Salah. F. A.