Deuxième chapitre : Une autre chance : Résumé : Dalila tenta de la convaincre de ne pas abandonner son travail. Mais Maria ne voulait pas côtoyer Yahia tous les jours, le voir avec les autres. Quand elle lui confia qu'elle attendait peut-être un bébé, Dalila lui rappela qu'elle allait être rejetée, que notre société ne pardonnait pas. Maria ne voulait rien savoir... Maria continua à travailler à la Sonelgaz. Yahia avait aussi repris son poste, et ce qui la peinait c'était qu'il n'avait pas changé et qu'il ne parut pas souffrir de leur séparation. Ils ne se disaient plus bonjour, et leurs collègues commencèrent à tirer des conclusions. Il y en avait certains qui leur firent même des remarques, mais Maria gardait son calme et, avec un sourire, elle les renvoyait à leurs tâches. Comme elle l'avait souhaité, enfin, elle avait tout fait pour, elle tomba enceinte. Le fait de ne pas avoir ses règles à deux reprises, la remplit de joie. Elle ne le dit pas à Dalila. Pourtant cette dernière venait lui rendre visite le vendredi et restait quelques heures avec elle. Elles discutaient de tout, de rien. Enfin, Dalila abordait souvent un sujet et Maria ne se dérobait pas. Elle répondait à ses questions, sans toutefois tout lui dire : - Tu n'as pas eu tes règles ? s'inquiétait-elle parfois. Tu as été voir un médecin ? - Je les ai eues, la rassurait Maria. Elles n'ont pas duré longtemps... je commence à vieillir ! Et tu ne penses pas à te suicider ? Puisque tu as tes règles et que tu commences à vieillir, tu ne crois pas que c'est une raison raisonnable ? - Figure toi que j'ai rêvé maman, lui avoua la jeune femme. Maman m'a demandé de ne la rejoindre qu'après mes soixante-dix ans ! il me reste trente-six ans à vivre... Et tant pis pour moi si c'est sans Yahia et sans son enfant... Mais pour mieux supporter le tout, je vais faire de mon mieux pour partir au plus vite d'ici... je commence à étouffer au boulot ! Ne pas le voir m'évite d'être torturée, Dalila ! Et où partiras-tu? Le plus loin possible... Maria ne voulait pas lui dire qu'elle avait déjà entamé les démarches, et que ce n'était plus qu'une question de temps. Elle en avait parlé aux responsables en invoquant d'autres problèmes et elle put avoir leurs avis favorables. Certes, ils la regretteraient. Maria put être mutée sur Annaba. Elle réussit à trouver un locataire pour son appartement. Le frère de Dalila promettait d'en prendre soin tant qu'ils y vivront. Elle ne voulait pas louer à des inconnus. Il aurait fallu trouver le temps pour vendre les meubles et tout. Le problème s'était résolu de lui-même. Elle pouvait préparer son départ. Grâce aux contacts qu'elle avait à Annaba, elle loua un appartement meublé, une bonne occasion. L'essentiel était d'avoir un toit. Elle ne serait pas aussi à l'aise qu'à Alger mais c'était vital si elle voulait garder son secret. Elle partit à Annaba par une matinée de novembre 1994. Il était, certes, certifié qu'elle entamerait son contrat avec la Sonatrach début décembre mais elle se présenta à son nouveau poste de travail qui n'avait pas encore été libéré, ceci uniquement pour se familiariser avec ceux et celles qui seraient ses collègues et apprendre un peu auprès de celui qui partirait en retraite. Maria sympathisa facilement avec tout le monde, et surtout avec Samira. Elle avait le même âge qu'elle et elle ressemblait un peu à Dalila. Elle était très curieuse, mais comme c'était sans mauvaise intention, Maria répondait aux questions avec une part de vérité. -Donc, tu es enceinte ! Et ton mari ? -J'ignore où il est, ment Maria. Il est porté disparu... Et nous ne sommes mariés que par la fateha ! -Il faut que tu régularises la situation, que tu trouves des témoins pour attester de votre union ! -Je ne pense pas qu'ils acceptent, émit-elle. Ils ne s'entendaient plus avec nos familles et nos amis ! J'ignore s'il est mort ou au maquis ! Il est parti avant qu'on ne passe à la mairie, uniquement pour me faire souffrir ! Me voilà coincée, dans une situation inextricable ! Qu'Allah me pardonne, se dit elle en son for intérieur. Ah ! s'il savait ! -Mais personne ne l'a revu depuis ? Je suis sûre que si tu trouvais des oncles ou des amis qu'il respecte, ils sauront lui faire entendre raison... il ne s'agit plus de ton avenir mais de celui de ton enfant, lui rappela-t-elle. Il faut lui arracher la reconnaissance paternelle ! Il faut même te battre pour ça ! Sinon, tu seras toujours témoin des souffrances de ton fils ! -Je sais, murmura Maria. Mais crois-tu que mon fils ne souffrira pas en apprenant que son père est un terroriste, porté disparu ? Elle a un drôle de sourire. -Tu sais, je crois que c'est mieux ainsi ! En m'éloignant loin de chez nous, je prends un nouveau départ ! Pour nous deux. (À suivre) A. K.