Après l'échec de la CAN-2015, les Verts s'installent peu à peu dans une crise de résultats inquiétante. Mais au-delà de cette tournure technique très décevante surtout face à un adversaire aussi prenable que le Qatar, il y a d'autres enseignements plus alarmants à tirer de cette sortie ratée de Doha, à commencer par l'incapacité pour le moment du coach national, Christian Gourcuff, de doter l'équipe d'Algérie d'un fond de jeu clair et limpide. C'est en effet, un secret de polichinelle, Gourcuff a été recruté l'été dernier en remplacement du Bosniaque Vahid Halilhodzic, pour améliorer le niveau de jeu des Verts et mettre en place une philosophie de football basée sur la rigueur tactique, la possession du ballon et une reconversion rapide vers l'attaque. Huit mois après l'arrivée de Gourcuff qu'en est-il au juste de cette ambition, du reste légitime, vu la belle prestation des Algériens au Mondial brésilien ? Force est de constater aujourd'hui, à l'heure d'une première halte, que le processus "pédagogique" du professeur Gourcuff enregistre pas mal de couacs. En défense, l'axe central reste le maillon faible de l'EN, Gourcuff aura essayé toutes les combinaisons depuis la CAN, mais la charnière centrale demeure faible. Déjà contre l'Afrique du Sud, le Ghana et la Côte d'Ivoire, elle avait carrément pris l'eau de toutes parts. Contre le Qatar, elle s'est avérée finalement une catastrophe avec un Medjani aux abois et un Chaffaï, très laborieux pour sa première sélection chez les Verts. En fait, le choix même de ce duo, deux défenseurs-libéros en club, pose déjà problème. Ils ont évolué carrément dans le même registre ce qui a vite provoqué leur discordance. Très souvent, ils ont été vite dépassés par la rapidité en contres des Qataris. La défense, le maillon faible Techniquement, ils n'ont pas fait le poids, et contre un adversaire de meilleure qualité et dans des conditions similaires, les Verts auraient largement pris une raclée historique. Avec une défense pareille, l'EN ne peut espérer aller loin ; c'est de la responsabilité de Gourcuff de se creuser un peu plus les méninges pour trouver la bonne formule. Pour rappel, Halilhodzic, conscient de la faiblesse de sa défense, avait trouvé la solution en plaçant une sentinelle juste devant l'axe central pour éviter l'ouverture de brèches. En outre, dans l'animation de jeu, Gourcuff n'arrive toujours pas à doter l'Algérie d'une fluidité féconde. Certes le ballon circule, la possession de balle est du côté algérien, c'était d'ailleurs aussi le cas à la CAN, mais le jeu reste transversal et dénué surtout de percussion. Le placement de Ghezzal sur le flanc gauche de l'attaque, alors qu'il est d'inspiration un milieu gauche, n'a pas aidé les Verts à percer sur le couloir gauche. À droite, Belmadi, le coach qatari, a bloqué Mahrez avec deux gars sur son couloir. Du coup, l'EN a été obligée de jouer latéralement. Pis encore, le manque de cohésion est venu ajouter son grain de sel, avec des balles à l'adversaire à satiété dont celle qui a amené le but qatari. Indiscipline tactique et individualisme Le jeu collectif des Algériens déjà délicat a été davantage fragilisé par l'indiscipline tactique et l'individualisme de certains cadres à l'image d'un Brahimi, franchement égoïste sur plusieurs actions. En vérité, Belmadi n'a rien inventé, il a tout simplement repris, toutes proportions gardées, le système de Hervé Renard, c'est-à-dire laisser les Algériens faire le jeu et saisir la moindre occasion en contre. Avec Gourcuff, le jeu de l'EN est devenu trop prévisible et trop abordable. Il est surtout devenu inefficace à l'image de ce Slimani trop seul pour pouvoir faire quoi que ce soit et un Belfodil trop loin de son niveau. À coups d'essais non concluants, Gourcuff est arrivé à vider l'attaque des Verts de son punch. Elle est désormais muette. Alors récapitulons : défense faible, attaque muette, cohésion tactique fragile et fluidité de jeu laborieuse sont les principales caractéristiques de l'équipe d'Algérie. C'est le diagnostic de l'heure que Gourcuff ne saurait cacher avec des prétextes incohérents du genre la chaleur, l'état du terrain, l'arbitrage... En revanche, faut-il condamner déjà Gourcuff avec un bilan aussi mitigé ? Faut-il lui accorder plus de temps avant de juger son travail sachant que huit mois est un laps de temps très court en football ? Des questions légitimes, mais il faut avouer que pour le moment la tendance est au scepticisme ! S. L.