C'est récurrent, dès que vous sortez de la ligne droite tracée par la pensée unique, vous serez taxé d'occidentaliste ! Être un occidentaliste serait-il synonyme de "traître", de "collabo", etc. ? Toutefois, de qui s'agit-il : d'un pays ? D'une organisation, d'une idéologie ? Le mot occidentaliste est partout dans les médias, dans les discussions entre amis, etc. Cependant, la confusion est totale quand on demande de le définir. Souvent, je suis confronté à cette question : peut-on être un Algérien occidentaliste ? Que veut dire "être occidentaliste" ? S'agit-il d'une doctrine (marxiste, libérale, etc.) religieuse (chrétienne, judaïque ou musulmane) ? Politique (démocratique, dictatoriale, etc.) ? Philosophique ? S'agit-il d'une question linguistique (latine, hébraïque, arabe, chinoise, etc.) ? S'agit-il d'un lieu ou d'un espace géographique (Europe, Amérique, Afrique, etc.) ? D'une manière de vivre (moderne, conservateur ou traditionnaliste, etc.) ? S'agit-il d'une culture (musique, mode vestimentaire, etc.) ? S'agit-il d'une période historique (l'époque romaine, moyenâgeuse, pré-moderne, moderne) ? Ce sont les questions que l'on peut se poser. Le terme "Occident" vient du verbe latin "occidere" qui signifie "tomber", "chuter". Au début, c'était une histoire de soleil "tombe", c'est-à-dire la direction où le soleil se couche. Le terme "Occident" est donc "le couchant", là où le soleil termine sa journée. C'est le cas du terme "Maghreb", qui dérive de "le couchant". Ainsi, le Maghreb est-il l'Occident du monde arabo-musulman ? Ou fait-il partie du monde occidental ? Essayons de creuser un peu quelques questions posées plus haut. S'agit-il réellement d'un espace géographique ? Non, car comment expliquer que l'Australie ou le Japon qui font partie du monde occidental, mais qui ne se trouvent pas dans l'espace géographique réservé généralement au monde occidental ! Peut-on dire que l'Occident se limite à l'espace géographique européen et américain ? Non également. Quand j'écoute les religieux ou les politiques, les élites disent que tout ce qui n'appartient pas au monde arabo-islamique est taxé d'occidental ! En résumé, selon ce raisonnement, il y a le monde arabo-musulman et les autres (qui sont des Occidentaux) ?... S'agit-il d'une religion ? Non ! Car le monde occidental a existé avant l'émergence des religions. Cependant, les religions, en particulier la judéo-chrétienne, ont-elles favorisé l'émergence d'une culture occidentale ? Oui ! D'ailleurs, certains chercheurs en histoire considèrent saint Augustin (le Berbère) comme un des pères de la culture occidentale ? L'Islam des lumières faisait partie de cette dynamique. Donc, les religions étaient un élément, et non pas toute la substance de la culture occidentale ! S'agit-il d'une doctrine politique ? Non ! Car on trouve dans ces pays dits occidentaux, des doctrines politiques libérales, communistes, sociolibérales, etc. Donc, pas de doctrine spécifique. Il s'agit des principes de droit qui favorisent l'émergence de liberté individuelle, avec des séparations prononcées du religieux du politique. Cela dit, si le terme Occident est né par rapport au soleil, l'idéologie occidentale est l'émanation de l'histoire des pays européens, cependant, elle échappe de plus en plus à la limitation géographique pour devenir un mode de vie de l'homme moderne. Nous appelons que le mode de vie occidentalisé est celui où se trouvent valorisées une série de libertés individuelles qui paraissent essentielles à ce mode de vie. La liberté d'expression, la liberté de culte, la liberté de déplacement sont fondamentales. Elles n'appartiennent pas en propre à l'Occident géographique, car elles ont été connues et formulées dans bien d'autres civilisations, mais c'est dans la culture occidentale, depuis la Renaissance, qu'elles ont été le plus nettement élaborées, approfondies et mises en œuvre. La modernité, selon Hegel, s'accompagnerait d'une intériorisation du principe de domination, qui lui permet "de distinguer les ‘dominés', qui se soumettent à la domination, de l'héritier raisonnable de la modernité, qui n'écoute que son devoir". Ce qui les distingue, ce n'est pas ce qui fait la différence entre l'esclavage et la liberté, mais le seul fait "que les premiers ont leur maître hors d'eux, tandis que le second le porte en lui-même, et est, de ce fait, son propre esclave", selon Habermas. À terme, être occidental aujourd'hui n'est pas forcement se nier soi-même, mais intégrer les valeurs de liberté et respecter celles des autres, sans porter de jugement et surtout contribuer à l'évolution de celles-ci. Avec la mondialisation et la circulation d'informations, les frontières idéologiques sont dessoudées des frontières géographiques. L'homme de l'avenir s'inscrit dans cette dynamique ; d'ailleurs, les derniers événements qui secouent plusieurs régions du monde nous le montrent clairement. Il reste à y adhérer ou de continuer à rejeter par une idéologie... Y. H.