La journée d'étude consacrée mercredi soir au Centre diocésain, les Glycines, a été l'occasion d'avoir un aperçu sur le remarquable travail effectué par les linguistes sur la question. La conjoncture actuelle du monde arabe, en proie à la dislocation, explique-t-elle à elle seule le retour en force de la revendication sur la reconnaissance de darja (parler algérien) comme langue nationale et, bien sûr, de celle de tamazight, comme langue officielle ? La journée d'étude consacrée à darja, organisée mercredi passé au centre diocésain, Les Glycines, à Alger, a apporté certaines réponses. En effet, elle a donné un aperçu sur le travail des universitaires, des linguistes et spécialistes dans le domaine des études dialectales, en particulier l'arabe algérien ou l'algérien. Elle s'est également intéressée à la richesse du patrimoine culturel populaire (chaâbi, haouzi, melhoun, proverbes, bouqalate...) et au champ de l'édition, qui s'est enrichi d'au moins 5 dictionnaires bilingues d'arabe algérien, depuis 2012. Elle a surtout été une occasion pour débattre sur la problématique des langues maternelles et sur l'intérêt de la presse nationale et des réseaux sociaux, sans négliger l'expérience du centre diocésain, qui a initié la "méthode Kamal" depuis 1971. Une méthode d'apprentissage du parler algérien, qui fait l'objet actuellement d'une "révision/actualisation". La rencontre des Glycines a connu des moments forts, notamment lorsque notre confrère Mehdi Bagached, auteur d'un dictionnaire en algérois, s'est écrié : "Dis-moi, rêves-tu en noir et blanc ou en couleur ? Dans tes rêves, parles-tu en arabe classique ou dans la langue que tu aimes et que tu maîtrises ? En tout cas, moi je rêve en darja." De son côté, le professeur Abderrezak Dourari, directeur du Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight, s'est exprimé sur "la sacrée question" de la "sacralité" de l'arabe justifiée par certains par le fait que cette langue est celle du Coran. "L'arabe est une langue comme une autre, mais la pensée rationnelle arabe a effectivement été exclue de la scène. L'athéisme a toujours existé chez les Arabes, on ne peut pas dire donc que l'arabe est sacré", a-t-il précisé. Quant à Djafar Lesbet, architecte et défenseur de la réhabilitation de la Casbah d'Alger, il a dénoncé le "double jeu" de la TV nationale qui "use de l'arabe classique, presque à temps plein, mais recourt à la darja, dès qu'il y a problème ou mécontentement populaire". Les questions abordées lors de la journée d'étude renvoient à la réalité algérienne et au déni identitaire de l'algérianité, qui a commencé en 1949, lors de la crise du PPA-MTLD dite "crise berbériste", et qui s'est poursuivi après l'indépendance. Les travaux des universitaires et des spécialistes en linguistique et de la littérature populaire viennent confirmer d'ailleurs l'usage massif, par la société algérienne, de darja, que ce soit dans le parler, les chansons, la poésie ou la culture en général. Autrement dit, cette réalité finira, un jour ou l'autre, par enfanter sa revendication politique : la reconnaissance de darja comme langue du peuple algérien, aux côtés de tamazight et de l'arabe (scolaire). Comme l'a révélé Kateb Yacine en 1987, on ne peut pas s'unir "sur la base du mensonge et de l'ignorance", "pour tuer une langue" ou pour "ignorer" son histoire. H.A