L'écrivain algérien a ainsi pu lier son nom au prestigieux prix français, même si ce n'est pas celui attendu il y a quelques mois. Kamel Daoud a finalement eu un Goncourt ! Même s'il n'est pas le plus prestigieux de l'académie (qui porte le même nom que le prix), il est tout de même important. Ainsi le chroniqueur du Quotidien d'Oran a obtenu ce mardi le prix Goncourt du premier roman pour son Meursault, contre enquête. Une distinction qui vient sûrement atténuer sa déception de novembre 2014 quand il avait raté, alors qu'il était favori, le "grand" prix Goncourt. Le nom de Kamel Daoud est donc inscrit dans le palmarès d'un prix littéraire décerné chaque année depuis 2009. Le Goncourt du premier roman avait remplacé une autre distinction de l'académie, les bourses Goncourt, fondées en 1990, et un Algérien, Salim Bachi, a été l'un des lauréats. C'était en 2001 pour Le Chien d'Ulysse. Pour l'édition 2015, le chroniqueur du Quotidien d'Oran a été sélectionné au détriment de trois autres prétendants, et il s'avère que deux parmi eux sont hispaniques. Un détail anodin ! C'est tout de même une petite revanche sur le sort pour Kamel Daoud. N'a-t-il pas perdu le "grand" prix Goncourt en novembre 2014 devant une Française d'origine... espagnole ? Le trio perdant de 2015 est donc le Vénézuélien Miguel Bonnefoy pour Le voyage d'Octavio, l'Espagnol Kiko Herrero pour Sauve qui peut Madrid ! et le Français Jean-Noël Orengo pour La Fleur du Capital, qui étaient les "concurrents" directs de Kamel Daoud. Chacun d'eux aspirait, et espérait, avoir ce prix. Miguel Bonnefoy est un écrivain vénézuélien de 29 ans. Lauréat il y a un an et demi du prix Jeune écrivain francophone pour sa réécriture du mythe d'Icare. Le voyage d'Octavio est son premier roman. Kiko Herrero (53 ans) est un Espagnol vivant à Paris depuis trente ans. Il a écrit Sauve qui peut Madrid ! en français, dans lequel il revient sur ses souvenirs d'enfance et de jeunesse dans la capitale espagnole du temps de Franco, tout en abordant le post-franquisme. Jean-Noël Orengo (40 ans) a publié en 2015 son premier roman, La Fleur du Capital, qui s'attache à décrire à travers cinq personnages les péripéties du monde de la prostitution de la "capitale mondiale de la prostitution", Pattaya, en Thaïlande, où il a résidé à de nombreuses reprises chaque année depuis 2007.
Debray, l'enchanteur enchanté ! Dans sa publication sur son compte facebook, Kamel Daoud avait ajouté à son texte une photo de lui en compagnie de Régis Debray. Ce dernier, philosophe français, connu et reconnu, était présent à la remise du prix en tant que membre du jury, et dans son discours il n'a pas tari d'éloges sur l'écrivain algérien et son roman. "Avec vous, la littérature est un acte risqué. Vous êtes un écrivain rare. Vous êtes de ceux qui n'ont pas peur d'avoir des opinions contre les siens, au point de passer pour un traître dans votre pays. C'est cela avoir le courage de la vérité", a-t-il affirmé. L'ex-compagnon du Che s'étala également sur sa "rencontre" avec Meursault, contre-enquête en mentionnant ses appréhensions avant sa lecture du roman : "Quand j'ai reçu votre roman, je me suis dit ‘Bon, c'est le livre d'un règlement de comptes avec le colonisateur', mais j'ai trouvé l'inattendu : une explication avec votre histoire, avec votre passé. La preuve que le roman peut être autre chose qu'une fiction, il peut être une plongée dans la réalité, avec une langue soutenue et charnue. Vous avez rapatrié L'Etranger dans votre culture. Vous avez fait d'Albert Camus un auteur français qui parle de vous, à vous. Eh bien nous, le jury Goncourt, nous rapatrions votre Meursault, contre-enquête dans le trésor de la littérature française, de la littérature tout court. Merci, cher Kamel Daoud. Continuez ! Ce n'est pas un au revoir, mais un bonjour." Un hommage qui ne pouvait qu'émouvoir Kamel Daoud. L'écrivain algérien, en dépassant les frontières, est en train de tracer son sillon dans la littérature "tout court". Sa présence dans le paysage médiatique et sa production, journalistique et littéraire, donnent surtout une autre image de l'Algérie. Que les gens soient d'accord ou pas avec lui, il permet à l'actualité DZ de dépasser les affaires de corruption et les exploits des Verts. Il ne laisse personne indifférent et c'est tant mieux. Que l'intellectualisme soit LE débat. Il est permis de rêver non ! S. K. @SalimKoudil