Le tribunal criminel près la cour de Blida a donné, hier, l'impression de vouloir apporter de la consistance quantitative au procès Khalifa Bank. Plusieurs chefs d'entreprises publiques se sont succédé à la barre en qualité de témoins, sans apporter un nouvel éclairage dans cette affaire. Ce sont des présidents-directeurs généraux ou directeurs généraux d'entreprises publiques de différents secteurs qui ont fait des placements à Khalifa sans avoir bénéficié de privilèges prouvés. Sur une cinquantaine de personnes appelées par le président de l'audience, seulement 16 étaient présents. Le juge a expliqué que le but de leur convocation est de savoir comment se sont déroulées ces opérations de dépôt. L'avocat de Moumen Khelifa, Me Lezzar, lâche cette boutade : "La pression est tombée par rapport aux autres jours." Le président du tribunal criminel, Antar Menouar réplique : "Cela ne veut pas dire que ce n'est pas intéressant." Une dizaine de minutes tout au plus, ont été accordées à chacun des témoins. Des questions récurrentes ont été posées. Du genre : quel est le montant du placement ? Taux d'intérêt ? Y a-t-il eu des privilèges en contrepartie de ces placements ? Or tous les détails concernant les circonstances des placements de fonds des entreprises publiques ont déjà été obtenus par le tribunal criminel auprès des nombreux directeurs généraux inculpés dans le cadre de cette affaire. "C'est juste pour donner de l'envergure et de la consistance à un simulacre de procès", commente un poids lourd du barreau d'Alger. En effet, après avoir auditionné en début de semaine des personnalités comme l'ancien ministre des Finances et administrateur provisoire de Khalifa Bank, Mohamed Djellab, ainsi que le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, le magistrat ne semble pas souhaiter enchaîner avec d'autres témoins importants. La logique aurait voulu que leur témoignage soit directement suivi par celui du liquidateur, Moncef Badsi, de l'ancien ministre des Finances, Mourad Medelci, de son successeur, Mohamed Terbèche, et le secrétaire général de la Centrale syndicale Abdelmadjid Sidi-Saïd. Ou encore l'ex-ministre du Travail, Abou-Djerra Soltani et l'actuel ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune. Telle a été, du moins, la méthode de travail durant le procès en première instance. Ce n'est pas le cas pour le procès en cours. Résultat, un large doute s'est installé, hier, au tribunal criminel près la cour de Blida quant à la convocation du reste des anciens ministres et autres personnalités portées sur la liste des 103 témoins. D'autant que le magistrat en charge de l'affaire avait préparé un peu le terrain, la semaine dernière, en évoquant la possibilité de recourir à la lecture des PV de certains pendant l'instruction. Et ce, dans le cas où des témoins ne se présenteraient pas à la barre pour des raisons professionnelles ou de santé. Cette possibilité devient plus que probable quand on examine la stratégie de défense de Moumen Khelifa largement basée sur l'absence des commissaires aux comptes durant tout le processus de liquidation et le solde réel laissé dans la trésorerie de Khalifa Bank au moment de son départ du pays. De ce fait, ce qui intéresse les avocats de Moumen Khelifa, ce sont les auditions de l'administrateur provisoire de Khalifa Bank, Mohamed Djellab, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, le liquidateur Badsi et éventuellement faire venir à la barre l'ex-ministre des Finances, Mourad Medelci. Ils ne réclameront pas les autres personnalités inscrites sur la liste des témoins nous confie Me Medjhouda. Cela va dans le sillage des déclarations de Moumen Khelifa devant le juge. Elles ont été amputées de tout ce qui est privilèges accordés aux hauts responsables. Khelifa Moumen a même commenté les révélations de la secrétaire de Khalifa Bank durant la phase de l'instruction en ces termes : "Elle a impliqué des ministres, c'est grave." On sait, en revanche, qu'Ali Touati, l'ex-vice gouverneur de la Banque d'Algérie, est convoqué pour le 2 juin au tribunal. Des auditions d'hier, il ressort que les chefs d'entreprises publiques ont tous été attirés par les taux d'intérêt attractifs et les facilités administratives, qu'offrait à l'époque Khalifa Bank. Des taux d'intérêt variant entre 7 et 14%. Surtout que beaucoup de ces entreprises souffraient de difficultés financières conséquentes. Alors, ils désertaient le CPA, la BEA et bien d'autres banques dont les taux d'intérêt pratiqués ne pouvaient rivaliser avec ceux de Khalifa Bank. "C'était une sorte de vague qui nous a tous emportés", confie un ancien président-directeur général d'une société de détergents. N.H.