Sonatrach se prépare-t-elle à faire face aux menaces liées à la libéralisation des marchés internationaux du gaz ? Elle est en mauvaise posture actuellement. Mais elle peut rebondir pour peu qu'elle dynamise son amont pour disposer rapidement des volumes de gaz qui lui manquent aujourd'hui pour consolider ses parts de marché sur le vieux continent et adopte une stratégie intelligente pour parer à ces menaces, résume Mourad Preure, le spécialiste en energie. La consommation gazière européenne décline depuis 2011. En 2014, avec 11,2% de baisse, ce déclin s'est particulièrement aggravé. Les raisons sont doubles : (i) une croissance économique faible (ii) une concurrence forte du charbon américain et des énergies renouvelables. Cette situation est aggravée par l'arrivée de nouveaux entrants qui disputent à l'Algérie ses parts de marché en Europe. Les approvisionnements gaziers européens tendent à se diversifier au détriment de la source algérienne. Cela alors que l'Algérie ne dispose pas de volumes pour défendre ses parts de marché. Mais le marché gazier européen est riche, néanmoins, de grandes opportunités. L'Europe importe plus de 50% de ses approvisionnements gaziers. A l'horizon 2030 sa dépendance gazière dépassera les 80%. L'Europe est donc un enjeu majeur pour les producteurs gaziers. Les Etats-Unis sont un redoutable concurrent pour les exportateurs de gaz vers l'Europe. L'arrivée d'importants volumes gaziers provenant des Etats-Unis va avoir une action baissière forte sur les prix spots et gravement fragiliser les contrats de long terme. Sur le marché européen le processus de libéralisation engagé en 1995 sous l'égide de l'Union européenne a conduit à l'émergence d'un marché spot qui coexiste avec les contrats de long terme avec clause de take or pay, les mettant ainsi en péril. Aujourd'hui les acheteurs européens de gaz veulent imposer par le recours à la négociation et à l'arbitrage une baisse des prix, l'abandon de l'indexation sur les prix du pétrole et l'alignement sur les prix spot. La place de l'Algérie est fortement compromise sur le marché gazier européen. La renégociation des contrats gaziers qui se profile à l'horizon risque de se faire dans les pires conditions pour l'Algérie. Pour l'expert international, l'Algérie a néanmoins des atouts pour conquérir une nouvelle place sur la scène énergétique européenne : l'Algérie, fournisseur historique, fiable et nécessaire à l'équilibre gazier européen, a un pouvoir de négociation et peut, vu aussi le potentiel de notre sous-sol, notamment en non-conventionnels, imposer une nouvelle place dans le jeu gazier européen. En accédant vers l'aval de la chaîne gazière et à la génération électrique en Europe, où la marge est la plus élevée et où elle maîtrisera le risque volume et le risque marché. En vendant au client final molécules de gaz et Kwh elle accroît ses profits, sécurise ses débouchés, mais plus encore, se met en position de tirer profit des nouveaux volumes de gaz qui affluent en Europe au lieu de les craindre et de les subir. En contrepartie elle ouvre (ce qu'elle fait déjà avec GDF-Suez) son amont gazier aux acheteurs qui partageront avec elle le risque amont. La négociation avec l'Europe ne peut, en outre, se limiter aux seules relations gazières mais doit se placer résolument dans une perspective plus large : la transition énergétique. K. R.