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Que faire du gaz algérien ?
Gaz de Schiste, baisse des prix à l'export et croissance de la demande interne
Publié dans Le Maghreb le 12 - 04 - 2010

Pour mieux comprendre la situation vécue ces derniers temps sur les marché du GNL qui traverse une mauvaise passe, notamment la menace sur le gaz algérien, et pour en savoir sur le double impact du forum de GNL, qui aura lieu le 18 du mois en cours, sur l'Algérie et l'industrie gazière d'une manière générale, l'invité de la Chaîne III de la Radio nationale M. Mourad Preur, expert pétrolier en stratégie énergétique et professeur à l'Institut algérien du pétrole a fait savoir qu'il est certain que l'organisation d'un tel événement comme le forum GNL16, est positif dans la mesure où on pourrait saisir cette occasion pour faire connaître notre expérience et expertise dans le management de la chaîne gaz.
Abondant dans le même sens, il dira que selon les statistiques de l'OPC ou de BP statistics Review, on est crédité de 4,5 trillions mètres cubes (4,5 mille milliards de mètres cubes) de réserves de gaz, ce qui représente 2,5% des réserves mondiales. Ce qui est insignifiant pour la région du Moyen-Orient, qui est créditée de 76 trillions de mètres cubes de réserves, même s'il est vrai que l'Algérie est un pays sous-exploré. En tant que source, nous sommes écrasés par le poids des pays comme la Russie, l'Asie centrale et le Moyen Orient qui totalisent plus de 80% des réserves mondiales. Abordant l'exploration, il dira qu'en matière d'exploration il faut compter au moins 10 années entre la signature d'un contrat d'exploration et sa mise en production. De ce fait, nous sommes un pays limité en matière de ressources, a-t-il relevé.
Il indiquera, dans ce sens, que partant de ces données, la stratégie gazière doit être conçue dans une certaine dynamique et ne pas se placer en tant que pays sources vu la faiblesse des ressources gazières, mais en tant qu'acteur du marché gazier international, autrement dit, la Sonatrach devrait aller à la recherche d'implantations rentables dans des pays à fort potentiel gazier, à l'image de l'Australie, d'autant plus que notre pays risque de passer du statut d'exportateur de gaz à celui d'importateur au-delà de 2017. L'expert se fonde dans ses affirmations sur les données de la Creg qui prévoit une accélération de la demande en gaz, notamment à cause de la hausse effrénée des besoins des industriels. Dans ce sens M. Preure recommande de revoir l'utilisation du gaz dans l'industrie, afin de dégager une certaine valeur ajoutée. Il recommande également de réorienter la stratégie énergétique de l'Algérie de manière à inclure plus d'énergie renouvelables dans le mix énergétique, solaire et nucléaire notamment.
Les contrats à long terme menacés
La stratégie gazière de l'Algérie devra, selon M. Preure, évoluer au regard des mutations profondes que connaît le marché gazier, notamment pour ce qui est de la structure des contrats et de la structure des prix. En effet, l'indexation des prix du gaz sur le pétrole vit un moment critique. Il faut dire que de nombreux spécialistes en doutent et cela ne peut que constituer un gros souci pour notre pays qui est plus gazier que pétrolier. Le scepticisme des spécialistes repose sur le fait que les marchés spot - où les paiements se font au comptant - vont prendre une place de plus en plus importante. Et qu'à défaut de rendre inutiles les contrats à long terme, ce marché affaiblira la capacité des pays exportateurs de maintenir une indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole.
Les pays importateurs de gaz, sans renoncer aux contrats à long terme, accordent une place de plus en plus importante aux marchés spot. Et sans doute exigeront-ils la fin de l'indexation du gaz sur le pétrole. Or, les prix du marché spot, développé grâce à la contribution du gaz naturel liquéfié, ont été divisés par deux. La raison est double. Il y a d'abord le fait que le marché du gaz enregistre un surplus de production stocké de 100 milliards de mètres cubes de GNL, soit un quart de la capacité de la production de GNL. Il y a aussi, la donne des gaz de schiste développés aux Etats-Unis. M. Preure expliquera, dans ce contexte, que le marché nord-américain a jusqu'à aujourd'hui joué le rôle d'arbitre, vu que les volumes de gaz qui n'étaient pas acheminés vers l'Europe étaient réorientés sous forme de GNL vers le marché nord-américain. Du coup, on se retrouve avec une espèce gros marché américano- européen.
Néanmoins, les gaz de schiste ont bouleversé la donne, amputé une part importante du marché au GNL, vu que les gaz non conventionnels représentent aujourd'hui près de 50 % de la consommation américaine. Il convient de signaler que le gaz non conventionnel représente à peine 4 % des réserves mondiales de gaz, selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Mais il a assuré 12% des volumes produits dans le monde l'an dernier. En 2030, le gaz non conventionnel devrait représenter près de 60% de la production américaine de gaz, contre à peine 30% en 2000, selon l'AIE. Le marché spot de GNL enregistre, depuis 2009, une baisse importante des prix en raison de la hausse inattendue de la production gazière aux Etats-Unis, grand consommateur de cette énergie, favorisée par de nouvelles techniques d'extraction.
De nouveaux débouchés pour le gaz algérien
Interrogé sur la stratégie que doit suivre l'Algérie pour ne pas tomber dans l'accueil de la situation actuelle du marché, lequel est caractérisé par une offre qui dépasse la demande, l'expert dira que "nous devront passé le mur". Il faut dire que l'Algérie devra chercher d'autres débouchés pour vendre son gaz. L'Algérie exportera son gaz vers la Turquie au-delà de 2014, date d'expiration du contrat en cours entre Sonatrach et la société turque Botas, a décidé le gouvernement à l'ouverture de la 9e session de la commission mixte algéro-turque de coopération économique, scientifique et technique, mercredi dernier à Alger. Il est à rappeler que l'Algérie exporte 4 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an vers la Turquie et ce, pendant 20 ans, en vertu d'un contrat signé en 1995. Par ailleurs, la visite du ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, au Royaume Uni, il y a deux semaines, portait sur l'augmentation des volumes de gaz à livrer à ce pays. L'Algérie assure 5% des besoins britanniques en GNL. Afin d'augmenter cette part, Sonatrach et British Petroleum (BP) doivent lancer une société mixte pour assurer l'approvisionnement en GNL algérien.
Doutes sur la création d'une Opep du gaz
M. Preure ajoutera, par ailleurs, que l'industrie du gaz traverse une crise, pas simplement une crise de croissance mais une crise structurelle qui se traduit par le développement des marchés de gaz spot à court terme. A ce sujet, il expliquera que dans le cadre des marchés à long terme, les risques sont partagés entre le producteur et le client (volume d'investissement, construction de canalisation, etc.), contrairement aux contrats à court terme où les risques sont supportés simplement par le producteur, celui qui vend, tout en précisant que le prix du gaz est calculé à base de l'équivalence calorifique des produits pétroliers, ce qui veut dire qu'il est indexé sur le prix du pétrole.
Néanmoins, avec la baisse des prix du gaz sur le marché spot, le financement des projets gaziers devaient être de fait menacé, ce qui pourrait déboucher, à long terme, sur un choc gazier, ce qui serait une première dans l'histoire. D'où la persistance de la question de la création d'une Opep du gaz que beaucoup d'observateurs croient voir naître à l'issue de la réunion du Fpeg à Oran. A ce sujet, M. Preure s'est montré très sceptique, estimant que les intérêts des pays producteurs ne convergent pas pour l'heure. Il rappellera, à ce sujet, que l'Algérie veut proposer une réduction de l'offre de gaz sur le marché afin, de faire redresser les prix alors que de son côté, la Russie n'a pas hésité à vendre son gaz dans le cadre de contrats à long terme aux prix réduits du marché spot, et que ce pays veut renforcer ses positions sur le marché européen à travers la réalisation de deux nouveaux gazoducs North Stream et South Stream, cela sans parler des nouveaux arrivants, à l'image du Qatar, qui veulent avoir leur part du marché. Notons que l'Union européenne (UE) s'approvisionne, aujourd'hui, à hauteur de 40% de ses importations en gaz de Russie, 30% d'Algérie et 25% de Norvège.


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