Le président turc Recep Tayyip Erdogan n'a pas dissimulé hier son aversion face à la progression des forces kurdes dans le nord de la Syrie, notamment à la frontière avec son pays, en décrétant que la Turquie ne permettrait jamais l'établissement d'un Etat kurde en Syrie, aux portes de la Turquie. En effet, les forces kurdes ont chassé hier les combattants du groupe terroriste Daech de la ville de Kobané, où plus de 200 civils ont été tués par cette organisation, depuis le lancement jeudi de son attaque surprise, selon un nouveau bilan établi par une ONG. "Le nombre de civils tués par le groupe EI à Kobané et ses alentours depuis le début de l'attaque jeudi a atteint 206, après que des cadavres ont été trouvés aujourd'hui (hier, ndlr)", a indiqué le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) Rami Abdel Rahmane, ajoutant que la plupart des corps présentent des blessures par balle. Face à ces développements, l'homme fort de Turquie, repris par de nombreux médias, a déclaré vendredi soir, lors d'un dîner de rupture du jeûne de Ramadhan : "J'en appelle à la communauté internationale. Quel que soit le prix à payer, nous ne permettrons jamais l'établissement d'un nouvel Etat à notre frontière sud, dans le nord de la Syrie." Il a accusé les forces kurdes de "changer la structure démographique" des zones dont elles se sont emparées. Recep Tayyip Erdogan faisait allusion aux populations arabes et turkmènes (turcophones) de ces régions. Il a une nouvelle fois démenti toute complaisance d'Ankara à l'égard des jihadistes : "C'est une grande calomnie d'accuser la Turquie d'avoir des liens avec une quelconque organisation terroriste" en Syrie, a-t-il dit. L'on prête même au président turc l'intention d'ériger un mur à la frontière syrienne pour isoler les Kurdes. Pour rappel, les forces kurdes en Syrie (YPG) entretiennent des relations avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a lancé en 1984 une insurrection armée en Turquie et est considéré par les autorités d'Ankara comme un groupe terroriste. La création éventuelle d'une zone autonome sous contrôle du PKK dans le nord de la Syrie est une source d'inquiétude pour Ankara, au premier chef parce que ses propres Kurdes pourraient s'en inspirer, ensuite parce que ce territoire jouxtera la région autonome du Kurdistan au nord de l'Irak. Des appréhensions rejetées d'un revers de main par le chef du PYD. Saleh Muslim, à la tête du PYD (Parti de l'union démocratique, principal parti kurde syrien dont la branche armée est l'YPG), a en effet exclu, dans un entretien vendredi au journal Hürriyet, la création d'un Etat kurde syrien. "Nous n'avons pas de tel projet", a-t-il dit. Selon la presse turque d'hier, M. Erdogan et le Premier ministre Ahmet Davutoglu auraient demandé lors d'une réunion de sécurité en début de semaine à Ankara au chef d'état-major d'intervenir en Syrie. Mais le général Necdet Ozel, peu enclin à entrer en guerre, a réclamé un ordre écrit des responsables civils. M. T./Agences