Résumé : Hacène tente de la rassurer. L'amie de leur fille n'a rien d'une diablesse. Yamina voudrait bien le croire, mais son cœur ne la trompe jamais. Elle ne parvient pas à trouver le sommeil. Ibtissem ne rentre pas à l'heure. Yamina s'inquiète. Elle s'en veut déjà de ne pas avoir su la retenir... -C'est aussi de ta faute, reproche Yamina à son mari quand elle le réveille. Il est presque sept heures et Ibtissem n'est pas rentrée... Qu'est-ce qui peut la retenir ? -Elle a dû se rendre à la cité de jeunes filles, émet Hacène, se refusant à dramatiser. -Mais elle a dit qu'elle rentrerait à la maison, lui rappelle-t-elle. Cela fait quatorze heures depuis qu'elle est partie... Mon Dieu ! On ignore même l'endroit où elles se sont rendues ! -Tu te fais du souci pour rien ! Elle va rentrer d'un instant à l'autre, la rassure Hacène. Elle devait vouloir ne pas nous déranger en pleine nuit... Elle va arriver, le temps juste de se trouver un taxi ! -Je voudrais bien te croire... Le café est prêt si tu veux en prendre, dit Yamina à son mari. Tout est sur la table ! Tu n'as qu'à te servir ! Elle arrête de faire les cent pas dans le salon et va se poster à la fenêtre. Elle observe le mouvement des passants dans la rue. Ils ne sont pas nombreux. Le quartier se réveille à peine. Quelques minutes passent mais aucune trace de sa fille parmi les rares femmes qui traversent la rue pour se rendre au marché. Elle est prise d'une subite envie d'aller faire le tour du quartier. Mais est-ce nécessaire ? Comment pourrait-elle tomber sur elle quand elle la sait du côté de Sidi Fredj ? Enfin, elle devait y être hier soir. Mais elle ignore où elle peut être à l'heure actuelle. Qui sait si elle n'a pas été agressée ? Si elle n'est pas à l'hôpital ? Ibtissem est si belle qu'elle a pu réveiller des sentiments violents chez son petit ami, si elle s'est refusée à lui. La tenue qu'elle a portée la veille est un vrai appel au viol. Ibtissem aurait dû s'y attendre. Sans avoir de preuves, Yamina est convaincue qu'il est arrivé malheur à sa fille. Elle va prendre son manteau et son foulard. Elle va se préparer devant la glace de l'entrée. Hacène qui sort de la cuisine est surpris par son intention. Mais il ne peut que la comprendre. -Attendons encore un peu !, la prie-t-il, alors que l'inquiétude le gagnait à son tour. Elle va sûrement arriver d'une minute à l'autre... On est vendredi, il n'y a pas beaucoup de taxis ! -Je sais, murmure Yamina, mais mon cœur ne me dit rien qui puisse me rassurer... Je sors. Avec un peu de chance, je tomberais sur elle ! -Moi, je me rends à Ben Aknoun, décide Hacène. S'il n'y a rien, on se retrouve dans une heure et demie ! Yamina sort avant lui et fait tout le quartier. Les voisines qu'elle croise et qui se rendent soit au marché ou au hammam semblent surprises de la voir aussi matinale. Il est très rare de voir Yamina dehors, un vendredi matin. Son visage fermé par l'inquiétude, rien ne les invite à libérer leur curiosité par des questions. Yamina s'éloigne d'elles, après un bref bonjour, ne leur donnant pas le temps de s'accrocher à elle. À l'expression de leur visage, elle sait qu'elles ont vu sa fille partir la veille. Ses craintes se confirment. Ibtissem allait devenir leur sujet favori. Epuisée à force de marcher et de scruter tous les visages qu'elle croise sur son chemin, Yamina rebrousse chemin et rentre chez elle. Et c'est là qu'elle trouve sa fille, attablée devant un copieux petit-déjeuner. -Mais qu'est-ce que tu fais ici ?, demande-t-elle. -Je prends mon petit-déjeuner, répond Ibtissem en souriant. J'étais surprise en rentrant... Où êtes vous partis ? -On te cherche ! Tu devais rentrer hier soir, lui rappelle sa mère en se débarrassant de son foulard et de son manteau. Qu'est-ce qui t'a retenue ? Je me suis fait du souci ! Je n'ai pas dormi de toute la nuit... Qu'est-ce qui t'a retenue de rentrer ? Si tu avais un empêchement, tu aurais pu nous appeler, lui reproche-t-elle. J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose... J'avais idée d'appeler la police dès que ton père sera rentré ! -On s'est vus ! Il sait que je vais bien, répond Ibtissem. -Comment était-il ?, s'enquit sa mère. -Heureux ! Enfin, il a trouvé bonne mon idée de passer la nuit à la cité de jeunes filles au lieu de rentrer tard ! Ce qui n'est pas de ton goût, bien sûr ! -Mon Dieu !, s'écrie Yamina. Ce que vous pouvez être inconscients ! Il ne peut y avoir pire père que celui qui envoie sa fille en enfer ! Comme s'il ne sait pas qu'avec toi, il faut s'attendre au pire ! Moussiba ! Ibtissem a un étrange sourire, tout en murmurant. -Je ne peux pas te détromper... Tu es ma mère, tu me connais mieux que personne ! (À suivre) A. K.