L'automobiliste devra rouler 20 000 km/an avec de l'essence subventionnée, c'est-à-dire aux prix actuels. Au-delà de ce seuil de consommation, il devra payer son essence plus cher, à partir de 50 DA le litre. Il y a encore quelques années, il était impossible de remettre en cause la politique volontariste de l'Etat. Maintenant que la crise est là, l'on essaye de réviser la politique de subvention. Et première cible, les produits énergétiques avec, en première ligne, les carburants. L'avant-projet de la loi de finances complémentaire 2015 propose l'institution d'une carte de carburant attribuant à chaque automobiliste un plafond de consommation de carburant à prix soutenu. Passé ce plafond, l'automobiliste paie son carburant au prix fixé par le marché. Selon le professeur Chems Eddine Chitour, qui milite depuis des années pour ce genre de projet, la carte à puce pour les carburants est l'aboutissement de la transition énergétique vers le développement durable. Le constat est que l'Algérie perd de l'argent. "Nous perdons un milliard de dollars aux frontières", explique le professeur de polytechnique qui ajoute que "25% des carburants en Tunisie proviennent d'Algérie". Par ailleurs, il souligne que le soutien de l'Etat ne touche que 25% des gens qui ont en besoin. "Notre modèle de consommation énergétique est perverti", conclu-t-il. Pour le professeur Chitour, le projet doit donner à chaque citoyen son quota annuel de carburant qu'il payera au prix subventionné. Après le dépassement de ce quota, il payera le carburant à son prix réel. Une façon de rationaliser la consommation de carburant et éviter une augmentation violente des tarifs. Le modèle élaboré à l'école polytechnique définit un quota d'une tonne de carburant par véhicule de tourisme et par an la consommation de chacun, ce qui correspond à une consommation de 20 000 km/an. Ces 1200 litres seraient comptabilisés pour chaque possesseur sur une carte à puce à un prix soutenu pour l'essence et le gasoil, le GPL carburant sirghaz restant toujours à 10 DA pour encourager ce moyen de transport. Si le citoyen veut consommer plus, il le paye à un prix plus élévé. Le modèle situe le prix à 50 DA au début pour arriver à 80 DA d'ici trois années. Le professeur Chitour évoque aussi certains métiers, comme par exemple les chauffeurs de taxi et les routiers, pour lesquels il indique que cette catégorie peut avoir un quota de 100 000 km/an. Telle est la proposition présentée au gouvernement. La mise en place de la carte à puce pour les carburants permet, selon Chems Eddine Chitour, "d'assécher les hémorragies de carburant aux frontières et de remettre de la justice au profit des défavorisés". Il faut dire qu'en 2014, les subventions des produits énergétiques consommés sur le marché national auraient dépassé les 1000 milliards de dinars, selon certaines estimations. Le prix du carburant en Algérie est considéré parmi les plus "compétitifs" au monde. Le prix du carburant représente en moyenne 20% des prix appliqués en Europe, et environ le tiers des prix dans les pays voisins (Maroc et Tunisie). À l'échelle mondiale, pour ce qui concerne l'essence super, l'Algérie occupe la huitième position en termes de prix le moins cher. Pour le gasoil, elle est au cinquième rang mondial. Nombreux sont les économistes qui appellent à une remise à plat du système de subventions. Mais conscients de l'impact d'une telle mesure, ils préconisent une révision progressive et une réorientation vers les couches sociales les plus défavorisées. Reste au final que cette mesure ne devrait pas être rapidement mise en œuvre. D'abord, la généralisation de cette mesure est quasiment impossible sans l'installation des équipements nécessaires au niveau des stations-services. Ensuite, la situation impose de mettre en place un instrument régulateur de consommation des carburants. S. S.