Une étude en cours déterminera les modalités de "rationalisation" de la consommation de carburant. Les automobilistes vont devoir surveiller leur consommation de carburant. En effet, le gouvernement veut s'attaquer au grand gaspillage actuel dans la consommation de carburant. C'est, en tout cas, ce qu'a annoncé le ministre de l'Energie, Salah Khebri, en marge de sa visite d'inspection, hier, du dépôt de carburant du Caroubier, à Alger. "Le gouvernement est en train de travailler sur un projet visant à lutter contre le gaspillage et la contrebande de carburant. Il s'agit de rationaliser la consommation d'essence et non de la rationner. Nous sommes en train de réfléchir sur les meilleurs moyens à mettre en place pour limiter le gaspillage et pour lutter contre la contrebande de carburant", a-t-il indiqué. À une question sur un éventuel projet d'instaurer une carte carburant qui plafonnerait la consommation subventionnée, le ministre n'a pas voulu fournir de détails sur ces mesures, se contentant d'annoncer que la mise en œuvre de ces changements interviendra une fois l'achèvement de l'étude en cours. Ainsi, après plusieurs années de retard, le gouvernement envisage de rationaliser la consommation de carburant. Les spécialistes appellent depuis au moins une décennie à un modèle de consommation énergétique plus rationnel. La baisse des prix du pétrole et l'explosion de la demande domestique de carburant en contexte de pressions sur les réserves d'hydrocarbures contraignent aujourd'hui les autorités à prendre des mesures pour lutter contre le gaspillage et la contrebande aux frontières. "Il y a beaucoup de gaspillage interne aggravé par le trafic de carburant aux frontières", a reconnu Salah Khebri. Mais les modalités de cette "rationalisation" de la consommation de carburant ne sont pas encore définies. Première piste : la carte carburant, évoquée par la presse, impliquerait que l'automobiliste paie son essence au prix actuel dans le cas d'une consommation inférieure ou égale à 100 litres. Au-delà de ce seuil, il devra payer son essence bien plus chère, au prix réel, selon quelques sources, soit entre 88 DA (gasoil) et 105 DA (essence). Une telle mesure, comparable à celle appliquée dans la tarification de l'eau, freinerait le phénomène du gaspillage, mais elle n'y mettrait pas fin. Seconde piste : l'augmentation des prix du carburant. Elle est aujourd'hui socialement risquée avec des effets négatifs sur les coûts des transports et l'agriculture. Si l'Etat avait appliqué il y a plusieurs années cette mesure préconisée par l'Agence de régulation des hydrocarbures, une augmentation graduelle (2 DA par litre, chaque année pendant dix ans, en contexte favorable), la décision aurait pu être acceptée, notamment si elle est portée par une communication convaincante. On aurait freiné le gaspillage de carburant et diminué les subventions. Troisième piste : favoriser la consommation du GPL et du gaz naturel carburant (GNC) au détriment des essences et du gasoil. Ce qui aurait pour conséquence de limiter l'importation de véhicules roulant au diesel. Déjà, la nouvelle réglementation sur l'importation de véhicules fixe un quota de 10% de véhicules roulant au GPL dans chaque commande. Peut-être faudra-t-il aller plus loin. Quatrième piste : taxer davantage l'essence super, l'essence sans plomb et le gasoil. Comme la seconde, elle n'est pas socialement très indiquée. Mais on peut taxer les véhicules gros consommateurs d'essence à l'importation, suggère un spécialiste. Il faut donc un courage politique pour parvenir à une rationalisation de la consommation de carburant sans laquelle l'Algérie deviendrait plus tôt que prévu un importateur net de pétrole brut. Mais, par ailleurs, on ne peut également rationaliser la consommation d'essence sans revoir le train de vie de l'Etat. Dans un contexte de baisse des revenus pétroliers, les différentes administrations continuent à acquérir des flottes de véhicules neufs, sans tenir compte du niveau de leur consommation de carburant. À noter que la consommation nationale de produits pétroliers a connu une croissance forte de 6% ces sept dernières années, selon le ministère de l'Energie. Elle a atteint près de 18 millions de tonnes en 2014. La croissance de la consommation de carburant est tirée actuellement par l'essence sans plomb (+15%). L'Algérie a dû, ces dernières années, importer de grosses quantités d'essence pour faire face à ses besoins : 2,8 millions de tonnes pour une valeur de 2 milliards de dollars en 2013, 1 million de tonnes en 2014. K. R.