Le sort de 1 540 travailleurs est en jeu. Qu'est-ce qui a bien pu motiver le ministère de l'intérieur dans sa décision de suspendre l'agrément de l'entreprise à caractère public Amnal, spécialisée dans le convoyage et transport des fonds ainsi que dans la sécurité et gardiennage des sites bancaires ? Le sort de plus de 1 540 travailleurs est resté en suspens depuis le 26 décembre dernier, date à laquelle indiquent des sources proches du secteur financier, les responsables de la société Amnal reçoivent une notification de gel de l'agrément. Une notification, assurent nos sources, qui ne comporte ni exposé des motifs et, encore moins, un quelconque argumentaire qui “justifierait une décision inattendue et qui a surpris toute la communauté bancaire, prise au dépourvu”. Personne n'a été au préalable averti de même aucune structure bancaire ou compagnie d'assurance qui a recours aux services de Amnal pour l'approvisionnement en argent frais n'a été avertie de la mesure surprenante et qualifiée par certains milieux proches du secteur d' “irréfléchie et mystérieuse”. D'autant qu'elle est tombée un jour ouvrable, où les besoins en argent frais se font le plus pressant. Même le ministère des Finances ne semblait pas avoir été mis au courant de ce qui a pris des allures de “mesure secrète”. Sinon le département de Benachenhou aurait pris les dispositions nécessaires pour en informer les banques et les assurances qui auraient à leur tour pris le temps de se préparer en conséquence. La concertation entre l'Intérieur et les Finances n'a pas eu lieu comme l'attestent les dégâts occasionnés dans certaines agences de banques restées sans liquidités et totalement mises à sec. Pour en savoir plus et confirmer ce cafouillage, nous avons tenté en vain de prendre attache avec le premier responsable de la société Amnal. Un grand cafouillage entre les Finances et l'Intérieur Du côté de la fédération des finances de l'Ugta on confirme “l'inquiétude par rapport au devenir de ces travailleurs”, mais nos interlocuteurs refusent en revanche de “commenter la décision du ministère de l'Intérieur”. La confusion générale, voire l'incompréhension provoquée, et face au risque d'assèchement des banques, les responsables de ces institutions ont introduit en urgence un recours auprès de leur tutelle afin qu'une solution soit trouvée pour assurer la continuité des services. Pour parer à l'urgence, la communauté bancaire a vite fait de faire appel à une filiale de Sonelgaz en l'occurrence la société Space en attendant de voir plus clair. Surtout que cette dernière, Spac, n'a pas les moyens de sa mission, car ne disposant pas de flotte appropriée, véhicules blindés et autres. Elle n'a point le droit de faire du transport de fonds laisse-t-on entendre en soulignant qu'elle serait plutôt spécialisée dans l'escorte armée, sans plus. Personne dans le secteur n'était en mesure d'expliquer les vraies raisons à l'origine de la suspension de l'agrément qui a privé Amnal de son activité. Les supputations sont allées jusqu'à revenir sur les attaques enregistrées en Kabylie à l'encontre des convoyeurs de fonds de ladite entreprise. Pourtant, de source très proche du dossier, nous apprenons “qu'aucun reproche officiel n'a été relevé à l'encontre des gestionnaires de cette entreprise”. Les raisons sont à rechercher ailleurs tant les enjeux de ce marché sont énormes “pour des prétendants privés qui commencent à se faire entendre”. Mais pour ce dernier scénario qui suggère la préparation du terrain à des privés, les banquiers sont presque unanimes “Amnal est la mieux indiquée dans cette mission car son expérience et sa couverture du territoire national plaident en sa faveur”. Contre toute attente, ce n'est qu'à partir de dimanche dernier que le ministère de l'Intérieur revenant sur sa décision, révise cette dernière. L'annonce est déclarée, mais rien de bien concret même si, quelque part, l'espoir pour ces centaines de travailleurs commence à ressurgir. Officiellement, ce sont les protestations du ministère des Finances qui ont contraint le département de Zerhouni à faire marche arrière .Officieusement, c'est le Chef du gouvernement lui-même qui aurait tranché suite aux vives préoccupations des banquiers. Toujours est-il que la question semblait pour le principe réglée. Sauf que l'autorisation de reprise de l'activité pour Amnal n'a pas encore été donnée. L'arrêté devant porter annulation de la suspension de l'agrément n'étant pas encore officialisé Amnal reste interdite d'activité et prend ainsi un sérieux coup en termes de manque à gagner. Même si l'on se veut rassuré avec la restitution de l'agrément, les professionnels n'excluent pas “que ce genre de mesures se reproduisent”. Amnal est-elle à l'abri d'autres surprises ? s'interrogent des directeurs d'agences bancaires. Créée en 1993, Amnal, qui était une société par actions, s'est reconvertie en société à responsabilité limitée comme le dicte la loi relative à ce genre d'activités. Son capital, détenu totalement par les banques publiques de la place en compagnie de la Caat et la Caar, s'élève à 200 millions de dinars. En plus du transport des fonds et du gardiennage des sites bancaires, Amnal s'est aussi spécialisée dans l'installation des matériels et équipements de surveillance électronique. En matière de gardiennage, elle est présente sur l'ensemble du territoire national et, pour ce qui est du transport des fonds, elle assure le service dans les wilayas du Centre allant jusqu'à Djelfa et affiche une présence également à l'Ouest à l'exception de la wilaya de Tlemcen. Les banquiers la considèrent comme l'entreprise la plus indiquée pour ce genre de mission, sauf que pour d'autres observateurs, la flotte vieillissante et obsolète de cette entreprise “donne matière à inquiétude”. Ce n'est pourtant que récemment que l'autorisation de se doter de véhicules modernes et blindés a fini par être donnée à cette entreprise qui a énormément souffert d'un environnement sécuritaire difficile en Kabylie. Un contrat de réception de plus d'une trentaine de véhicules est en cours d'exécution. Faut-il donc comprendre que l'entreprise Amnal riche de la participation capitale des banques soit paradoxalement livrée à des aléas qui dépassent les simples paramètres de gestion ? Alors simple sursis ou réel, nouveau départ ? A. W.