Les autorités de la wilaya de Béjaïa viennent, une nouvelle fois, de lancer une campagne de nettoyage de la ville dans le but d'éradiquer les dépotoirs sauvages. Cette initiative, aussi louable soit-elle, ne peut constituer la panacée pour redorer le blason légendaire de propreté de Béjaïa. La problématique de la gestion des déchets et de l'hygiène ne peut se traiter à coups de campagnes hebdomadaires de volontariat, avec l'aide des entreprises publiques et privées qu'on imagine mal se renouveler chaque week-end ; la participation des acteurs associatifs et la mobilisation des agents de l'action sociale Blanche-Algérie, qui en dépit de la précarité de leur statut, font un travail remarquable de balayage que les mesures de rationalisation des dépenses publiques induites par la crise pétrolière risquent de remettre en cause d'un moment à l'autre. Ce type d'opérations, qui permet un brin de toilette salutaire à la ville, ne peut avoir une efficacité durable et réelle tant qu'on aura pas traité les causes constitutives de ces décharges, qui très souvent sont objectives, car rattachées à une absence totale de collecte dans le secteur, à une conteneurisation inadaptée et insuffisante pour le quartier, à une sectorisation irrationnelle et surtout à l'abandon des séquences de répliques. Dans certains cas, l'implantation d'une décharge sauvage est l'œuvre même des services d'hygiène de la commune à l'instar de celui de Souk El-Asser pour ne citer que cet exemple récent, alors que le site en question devait recevoir paradoxalement un terrain de sport de proximité inscrit au budget primitif de la commune depuis plusieurs années. S'il faut espérer une meilleure longévité à cette nouvelle campagne de la wilaya, le doute persiste, car nul ne peut oublier les comités opérationnels de nettoyage sous le pilotage des walis et des chefs de daïras, institués dans un cadre gouvernemental par circulaire du ministère de l'Intérieur en 2012, dont le seul souvenir reste le battage médiatique pour la circonstance. En effet, la ville n'a pas manqué de vite retrouver ses laideurs et ses mauvaises odeurs qu'on impute trop souvent à l'incivisme du citoyen. D'aucuns peuvent suspecter par cette substitution récurrente un sérieux problème politique tendant à justifier, voire à continuer de dépouiller davantage les collectivités locales de leurs prérogatives comme n'a pas manqué de le faire le code communal de 2011. En fait, si cette velléité de substitution signe l'impuissance manifeste et indéniable des communes, cette manière de procéder restera toujours contreproductive dès lors qu'elle ne s'accompagne pas d'un véritable audit des opérations de collecte, qui dans l'état actuel des choses, ne respectent aucun schéma de gestion. Si l'échec reste avant tout imputable au manque de volonté politique des élus dans l'amélioration du management local en général car les budgets, constamment votés, tardent à produire leurs effets, dans tous les domaines du reste ; la responsabilité de la tutelle et des directions déconcentrées de l'Etat reste entièrement engagée dans la situation actuelle. Et des interrogations se posent sur l'absence de liaisons entre la collectivité locale et les services de la direction de l'Environnement causant un déficit de collaboration préjudiciable alors que des synergies doivent être mises en place, d'autant que les objectifs réciproques ne peuvent être que complémentaires. Sinon comment expliquer la négligence du schéma directeur de gestion des déchets ménagers, élaboré en 2004 et approuvé en 2008 qui est donc totalement dépassé en vertu des dispositions de la loi 01-19 du 12 décembre 2001 et surtout compte tenu de la réalité des extensions urbaines et démographiques qu'a subies la ville depuis. La proposition de son actualisation, qui a été toujours mise sous le boisseau, devient urgente comme l'a si bien recommandé récemment l'Agence nationale des déchets afin de mettre un terme à son obsolescence. D'autre part, on se pose la question sur le rôle très effacé de cette direction dans le processus budgétaire de la collectivité dans la séquence hygiène et environnement que ce soit au moment de l'élaboration des prévisions, encore moins pour le suivi de l'exécution des programmes, qui reste sous le pilotage épisodique et circonstanciel du chef de daïra qui a tendance généralement à marginaliser cette question. À ce sujet, un examen attentif des programmes d'équipement destinés à la collecte de renseignerait sur les difficultés de la commune à concrétiser ses actions avec des retards accumulés qui ne peuvent se justifier par le raccourci de la lourdeur des procédures de passation des marchés publics. L'examen des budgets de la collectivité sous le seul angle de l'orthodoxie des finances publiques est insuffisant alors que des opportunités et des enjeux intercommunaux liés à la préservation de l'environnement peuvent exister. L'instauration de mécanismes et d'instruments destinés à donner un sens concret et pragmatique aux relations entre ces deux entités que sont la commune et la direction de l'environnement de la wilaya est plus que souhaitable. En effet, des besoins énormes d'encadrement sont ainsi ressentis au niveau de la commune pour l'expertise et l'étude de dossiers susceptibles d'améliorer la gestion de la collecte des déchets comme l'élaboration d'un règlement de collecte définissant les circuits et les horaires de passage qui doit être diffusé et communiqué au citoyen, le traitement des déchets encombrants et inertes, le management des procédures de collecte adossé à un programme de formation adapté, l'application de la fiscalité écologique qui ne rapporte rien à la commune en dépit des dispositions légales prévues en la matière, et enfin le mode de gouvernance de la gestion des déchets qui doit cesser d'osciller entre les moyens aléatoires d'une régie communale essoufflée et les surenchères des prestations de collecte sous-traitées. De même que la gestion des effectifs de nettoiement, qui ont commencé à rétrécir sérieusement à la suite des dernières instructions du gel des recrutements, oblige à trouver rapidement des alternatives adaptées pour combler les déficits en particulier pour les secteurs de balayage, à moins d'ouvrir la boîte de Pandore de la masse des agents d'assainissement es qualité, éparpillés depuis plusieurs exercices, sur d'autres fonctions moins contraignantes et qu'il conviendrait de récupérer ou de recycler judicieusement dans une sorte de police d'hygiène et de respect du plan de collecte. Au plan du traitement des déchets, s'il faut saluer la décision de la wilaya de mise en exploitation du Centre d'enfouissement technique (CET) après plus d'une décennie au point d'être devenu l'Arlésienne, la longévité du site est compromise par l'existence d'un seul casier contrairement à ce qui était initialement prévu, le déversement de toutes sortes de déchets ménagers en l'absence de toute séquence de tri en amont, et le tracé très contraignant de la voie d'accès qui risque de devenir impraticable à l'approche de l'hiver et pousser à la réutilisation de la décharge de Boulimat qui nécessite des mesures de fermeture définitive et un programme immédiat de réhabilitation. Enfin, quelle que soit la volonté des acteurs et des responsables, l'amélioration de la gestion de la collecte des déchets et de l'hygiène en général en milieu urbain doit passer par celle des conditions de travail de l'ensemble du personnel chargé d'assurer les opérations de nettoyage qui sont dans l'état actuel des choses franchement insupportables. A. M. (*) Enseignant Université de Béjaïa