La programmation de la 16e édition du Festival du monde arabe (FMA), dévoilée mardi lors d'une conférence de presse au siège de la Ville de Montréal, fait la part belle aux artistes algériens. Plusieurs chanteurs, comédiens, dramaturges, humoristes et universitaires seront de la partie cette année à ce rendez-vous culturel qui a désormais pignon sur rue à Montréal. Le coup d'envoi sera donné le 31 octobre et les activités s'étaleront jusqu'au 15 novembre prochain. Slimane Benaïssa nous revient avec une nouvelle création, Les papiers de l'amour, une histoire d'amour entre un Palestinien et une juive. La pièce théâtrale programmée pour le 5 novembre est un clin d'œil à la chaude actualité de la région du Moyen-Orient. Le populaire Abdelkader Secteur se produira pour la première fois en Amérique du Nord. Pince sans rire, ses one man show promettent d'exploser la scène montréalaise avec un humour hilarant d'un artiste capable d'incarner tous les personnages de la commedia dell'arte. Son spectacle est prévu pour le 14 novembre. L'Algéro-Québécoise Lynda Thalie a rendez-vous avec son public dans un spectacle intitulé Sirène des sables, au moment où Karim Saâda et Azeddine El-Maghribi nous feront revivre l'ambiance du chaâbi algérois. Mais le moment fort du festival reste sans doute l'hommage à Salim Hellali, 10 ans après sa disparition. Icône cosmopolite de la musique arabo-andalouse, Hellali sera donc ressuscité l'espace d'un spectacle organisé en collaboration avec SN Production, qui participe également au gala des Djmawi Africa, un groupe de jeunes qui fusionnent et métissent les sonorités et les influences musicales aussi bien africaines que maghrébines. Ceci pour les arts de la scène. Pour le Salon de la culture du FMA, plusieurs thématiques seront abordées par des panels universitaires. Des thèmes qui ne manquent pas de pertinence. Le wahhabisme se fait le chantre du salafisme et de l'islamisme radical et accuse le soufisme d'hérésie. L'Etat islamique est allé même jusqu'à démolir des mausolées et des sites du patrimoine historique. Dans ce contexte, comment lutter contre cette doctrine qui prône l'exclusion et l'extrémisme, en usant de la violence ? De plus peut-on s'attendre à l'effondrement idéologique des interprétations littéralistes et sclérosées de cette mouvance ? Intéressant débat qu'animeront les professeurs Rachad Antonius et Karim Ben Driss ainsi que Omar Koné, directeur du Centre soufi de Montréal. Le philosophe Abdenour Bidar abordera la problématique de l'islam face au défi de la laïcité, alors que le professeur Miloud Chennoufi s'intéressera, lui, au parcours de Naji Al-Ali, en faisant le parallèle avec l'affaire Charlie-Hebdo. La question des réfugiés sera au centre des débats à l'occasion d'une table ronde organisée avec Radio Canada. "Ils sont des centaines de milliers, voire des millions à quitter leurs pays ravagés par des guerres absurdes et atroces. Dans des conditions inhumaines, ils prennent leur vie sur le dos et empruntent le couloir de la mort qu'est la mer", écrit le FMA. Ce sont d'ailleurs ces turbulences dans lesquelles baigne le monde arabe qui ont inspiré l'intitulé de cette 16e édition : Hilarus Delirus. "Des tempêtes de folie dangereuse et sans borne continuent à s'abattre sur les esprits. Les bouffons de la terre s'autoproclament califes à la place des califes. Fous d'Allah et fous du néant rivalisent d'ingéniosité pour offrir au monde le meilleur du pire. Démence barbare d'un côté, perversion et hypocrisie non moins sanguinaires de l'autre", affirme Joseph Nakhlé, président du FMA, avant de s'interroger : "Comment garder la raison lorsque toute l'époque la perd ?" C'est dans ce contexte que le festival, comme pour dépasser une conjoncture tragique, fait appel à Al-Maari, Rabia Al Adawiya, Abou Nouwas, Omar Khayam, Oum Kaltoum, Adonis, Nizar Kabbani, etc. Pour donner, expliquent les organisateurs, toute la place à l'impudeur, à la sensualité, à l'hérésie, à l'humour, à l'art burlesque. Bref, à la joie de vivre... Y. A.