Les autorités tunisiennes n'ont jamais caché leurs craintes d'assister à un retour massif en Tunisie des jeunes Tunisiens, partis combattre dans les rangs des groupes terroristes islamistes en Irak et en Syrie. Des centaines de jeunes tunisiens, partis rejoindre les rangs de l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (Daech), ont fui la Syrie, pour échapper aux frappes russes qui ont commencé depuis treize jours. Et c'est en Libye qu'ils auraient déposé leurs valises, soit pour combattre au sein de la branche libyenne de Daech, soit pour tenter de franchir la frontière pour rentrer en Tunisie, où les autorités craignent le pire des scénarios. Les autorités tunisiennes ont fourni le chiffre de 250 Tunisiens présents sur le sol libyen, depuis le début des frappes russes en Syrie, sur un total de 5 000 terroristes au moins, selon les chiffres officiels. En effet, un retour massif de ces terroristes est perçu avec beaucoup d'appréhension à Tunis, comme l'a révélé le ministre tunisien de la Défense, Ferhat el-Harchani, dans une déclaration au quotidien londonien Al-Hayat al-Arabiya, paru au début de la semaine. Si les autorités tunisiennes s'étaient préparées depuis des mois à une telle éventualité, ce n'est pas le cas de la Libye où l'absence d'un Etat depuis quatre ans favorise davantage le climat d'anarchie et de chaos ambiant. Outre le renforcement de la surveillance des frontières avec la Libye, la Tunisie a intégré la coalition internationale contre l'Etat islamique, dans le domaine du renseignement, n'ayant pas suffisamment de moyens pour envoyer des soldats en Syrie ou en Irak où cette organisation terroriste contrôle un large territoire, à cheval entre ces deux pays. Pour rappel, ce retour en masse des terroristes tunisiens, dont beaucoup ont quitté légalement la Tunisie et ne sont même pas fichés par les services de renseignement, intervient dans un contexte marqué par un affaiblissement de Daech dans certaines villes libyennes. La branche libyenne de l'Etat islamique a été chassée de Derna, où elle s'était implantée à sa création, mais elle a du mal aussi à avancer dans Benghazi et vers la capitale Tripoli, après avoir enregistré de nombreuses pertes humaines face à l'armée loyale et à des groupes de milices, fortement soutenus par la population. Parallèlement aux progrès militaires contre Daech sur le terrain, le dialogue interlibyen a enregistré aussi de réelles avancées, ces dernières semaines, et a abouti vendredi dernier à la signature de l'accord de paix proposé par l'ONU et l'amorce de la deuxième phase de ce processus avec l'annonce de la formation d'un gouvernement d'union nationale en Libye. La formation de ce gouvernement d'union nationale et l'unification des rangs de l'armée libyenne devront permettre à la Libye de venir à bout du terrorisme islamiste, représenté par Daech et Ansar al-Charia (la branche libyenne d'Al-Qaïda au Maghreb islamique). Mais en attendant l'accord final de toutes les parties libyennes, impliquées dans le dialogue inclusif interlibyen, parrainé par l'ONU, sur l'ensemble des noms proposés par l'émissaire onusien en Libye, Bernardino Leon, la présence de "combattants" tunisiens sur le sol libyen représente une véritable menace pour ce processus de paix, mais également pour la sécurité de la Tunisie elle-même. Car, en dépit des mesures prises par les autorités tunisiennes, des candidats au "jihad" sont régulièrement arrêtés au moment où ils tentent de franchir la frontière, en partance vers la Libye, où pullulent les camps d'entraînement des groupes terroristes. Et contrairement aux assurances de Tunis, des terroristes ont réussi à entrer sur le sol tunisien, via la frontière libyenne, avec armes et bagages. L'attentat de Sousse, commis par un jeune étudiant tunisien le 26 juin dernier, est la meilleure des illustrations. Car, ce jeune a suivi des entraînements en Libye avant de passer à l'action sur le sol tunisien, tuant 38 touristes étrangers, dont 30 Britanniques. L. M.