Partageant une frontière incontrôlable avec la Libye en proie au chaos et des milliers de djihadistes revenus de Syrie, la Tunisie est une cible de choix pour les terroristes. La prise d'otages survenue hier au Musée national du Bardo, en Tunisie, est considérée comme la plus meurtrière. Elle intervient au moment où l'organisation terroriste connue sous le «générique» de Daesh a pu renverser à son avantage, toutes les donnes sur le terrain, notamment depuis son installation en Libye, un pays devenu le foyer géniteur des groupes terroristes venus de tous bords. Cela constitue en fait une vraie menace pour tous les pays du nord de l'Afrique. Ce genre d'attaque était prévisible, dans la mesure où même les autorités tunisiennes n'écartaient pas une telle éventualité, au vu des mouvements suspects signalés ces derniers temps au niveau des frontières tuniso-libyennes. Le dispositif sécuritaire a donc été battu en brèche par des terroristes soutenus par des filières dormantes agissant sur le territoire tunisien. Les meurtriers ont certainement bénéficié d'un très important renfort en informations et en logistique. La coopération quant à elle doit être développée selon une stratégie plus claire avec les pays voisins. Elle doit intervenir dans l'urgence, exigeant de chaque pays la perspicacité et la rigueur. Car avec des maquis djihadistes qu'elle ne parvient pas à réduire, une frontière incontrôlable avec la Libye en proie au chaos et des milliers de jeunes partis, et pour certains revenus, combattre en Syrie, la Tunisie est une cible de choix pour les terroristes. Il y a deux à trois mille jeunes hommes partis au cours des quatre dernières années, grossir les rangs des groupes djihadistes luttant en Syrie et contre le gouvernement de Baghdad en Irak, la Tunisie a fourni le plus fort contingent de combattants étrangers. Ils seraient au moins cinq cents à être revenus au pays, estiment les autorités tunisiennes qui tentent de les maintenir sous étroite surveillance et affirment avoir empêché le départ d'au moins 9000 autres volontaires. Des militants se réclamant d'Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) ou du groupe Etat islamique (EI) sont là depuis la révolution de 2011, qui a donné le coup d'envoi de ce qui a été appelé le «Printemps arabe», retranchés dans des maquis situés dans les massifs montagneux proches de la frontière algérienne. Malgré plusieurs offensives d'envergure, l'armée tunisienne n'est jamais parvenue à les en déloger, perdant dans ces combats des dizaines de soldats, notamment dans la région du mont Chaâmbi, le point culminant du pays. La détérioration de la situation dans la Libye voisine, où l'Etat central a disparu au profit de milices qui se disputent le pouvoir, certaines ouvertement ralliées à l'EI, pèse terriblement sur la Tunisie, d'autant que la longue frontière entre les deux pays, dans des régions désertiques, est virtuellement impossible à contrôler. Les groupes armés islamistes tunisiens mènent dans le pays de constantes opérations de harcèlement contre les forces de l'ordre. En février, ils étaient une vingtaine à tendre une embuscade à une patrouille de gendarmerie près de la frontière algérienne, tuant quatre gendarmes et s'emparant de leurs armes.