De quelques centaines à plusieurs milliers, les étrangers sont nombreux à partir combattre en Syrie, pour rejoindre les rangs de l'Etat islamique (Daech) en Irak. D'après les derniers chiffres de la CIA (Agence centrale du renseignement américain), ils seraient plus de 30 000 à avoir quitté leur pays d'origine pour s'enrôler dans le djihad. Un nombre exagéré pour alerter sur ce mouvement, plutôt proche de l'estimation de The Soufran Group, une agence américaine de conseil en renseignement et en sécurité, qui avance le chiffre de 12 000. Par contre, ce qui est incontestable, c'est le caractère internationaliste de ce groupe qui a totalement effacé al-Qaïda. Pour le CSR (Centre international d'étude de la radicalisation) du King's College de Londres, c'est la plus forte mobilisation de combattants étrangers depuis l'Afghanistan des années 80, où 20 000 étrangers se battaient aux côtés des islamistes contre les Soviétiques. La proclamation du califat à cheval sur la Syrie et l'Irak par Daech le 8 juin dernier a constitué un vrai appel d'air pour les jeunes étrangers de par le monde attirés par le djihad. Notamment dans les pays Occidentaux, au point où Paris, Washington et Londres ont procédé cet été à de nouveaux tours de vis dans leurs lois de prévention et de lutte contre le terrorisme. Les Etats-Unis avec leurs grandes oreilles qui écoutent le monde ont lancé également une série de programmes pour "repérer" les djihadistes sur leur territoire qui seraient tentés de rejoindre le califat, auprès des communautés musulmanes. Au hit-parade des mercenaires étrangers au sein de Daech, la France. Selon son ministre de la police, plus de 900 ressortissants français sont actuellement engagés en Irak et en Syrie, dont une soixantaine de jeunes femmes. D'après Soufran Group, ils seraient environ 3000 occidentaux provenant des cinq continents. Après la France, le Royaume-Uni (500) ; la Belgique, l'Allemagne, l'Australie (250, chacun) ; l'Espagne, le Danemark (100 chacun) ; les Etats-Unis (70) ; l'Irlande (30). La Russie et la Turquie sont aussi des pourvoyeurs de djihadistes, la première avec 800 combattants et la moitié pour le second pays, frontalier de l'Irak et de la Syrie. Les djihadistes en provenance de pays arabes sont évidemment plus nombreux. Au Moyen et Proche-Orient, la palme d'or revient à l'Arabie saoudite avec 2500 combattants. Ce royaume frontalier de l'Irak a enfanté le djihad au travers de sa lecture wahhabite du Coran, l'a nourri et propagé dans le monde avant de se retourner contre ses plus radicaux dès lors que ces derniers ont menacé sa monarchie. L'Egypte doit certainement participer avec un chiffre avoisinant surtout depuis que le maréchal-président al-Sissi mène la guerre aux Frères musulmans. Le Maghreb n'a pas été épargné par ce phénomène. 8000 Maghrébins seraient partis faire le djihad en Syrie, puis en Irak. Dans un ordre décroissant : le Maroc, la Libye, la Tunisie, l'Algérie et la Mauritanie. En tête, Tunis et Tripoli où sont actifs des groupes terroristes depuis deux ans. Les djihadistes libyens d'Ansar al-Charia et leurs homologues tunisiens ont envoyé chacun entre 2500 et 3000 hommes au Daech. Les islamistes de ces deux pays ont fait allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, le "calife" du Daech, l'Etat islamique en Irak et au Levant. On ne sait pas s'ils ont des connexions d'un bout à l'autre du Maghreb, mais ils avaient rêvé de constituer une brigade maghrébine du djihad, reprenant une idée de l'Aqmi, la franchise d'Al-Qaïda en perte de vitesse et qui vient de rebondir en se mettant sous le parapluie d'Abou Bakr al-Baghdadi. Pour ce fantasme de califat, seul Boko Haram du Nigeria y croit encore en annonçant il y a peu la fondation du sien qui n'est guère pris au sérieux. Raison d'inquiétude au Maghreb, comme ailleurs : le retour de leurs djihadistes de Syrie et d'Irak. Là est le vrai et probablement le seul danger, leur retour relève du cauchemar pour les différents pays. Comment les contrôler et les gérer ? Au Maroc, nullement à l'abri vu le nombre impressionnant de Marocains ayant rejoint Daech et, avant, al-Nosra, sa rivale, au minimum de 1500. Les djihadistes marocains ont même fondé leur brigade, Harakat Sham al-Islam, en Syrie, selon Romain Caillet, chercheur français et auteur d'un rapport sur les djihadistes marocains en Syrie. En ajoutant à ce chiffre les binationaux de la diaspora marocaine venant de Belgique, de France, de Hollande, les djihadistes marocains seraient plus de 2000. Un chiffre équivalent à celui des Afghans marocains enrôlés dans le premier djihad internationaliste de l'Afghanistan contre les Soviétiques. Deux chefs djihadistes marocains sont morts en Syrie. Ibrahim Benchekroun alias Abou Ahmed al-Magrhibi, vétéran d'al-Qaïda en Afghanistan, fondateur de HSI (Harakat Sham al-Islam). Il était passé par les prisons de Bagram et de Kandahar en Afghanistan avant d'être transféré dans la fameuse prison de Guantanamo pour rentrer au Maroc en 2005, où il a fait de nouveau un séjour en prison pour des affaires de terrorisme. L'autre Marocain mort en Syrie, Abou Oussama al-Maghribi, qui représente ce phénomène de la nouvelle génération de terroristes. Inquiet d'un terrorisme qui pourrait le pénétrer par sa frontière sud, cette zone saharo-sahélienne devenue incontrôlable, le Maroc accuse les indépendantistes sahraouis, et son armée est sur les dents depuis la mi-août dans ce territoire sous sa domination. Des barrages sécuritaires ont refait leur apparition dans les grandes villes (Casablanca, Fès, Marrakech, Tanger). L'Algérie, selon tous les experts, est beaucoup moins touchée que ses voisins par les appels au djihad en Irak et en Syrie. Une poignée insignifiante. En revanche, le pays n'a pas baissé sa garde, remettant à jour l'expérience acquise durant plus d'une décennie de lutte anti-terroriste et surveillant, particulièrement, ses frontières pour les infiltrations. Alger n'a pas attendu la coopération sécuritaire au Maghreb pour l'installer avec Tunis, dans tous les domaines, du renseignement aux actions sur le terrain. Nom Adresse email