Liberté : Que pensez-vous de l'intention de l'Exécutif de recourir au Fonds d'investissement chinois pour financer ses grands projets publics ? Mohamed Kessel : La Chine, de par sa position de premier fournisseur de l'Algérie, cherche à maintenir sa position. Sauf que les entreprises chinoises interviennent à l'extérieur, essentiellement dans les projets d'infrastructures. Or, c'est une activité qui risque d'être touchée en Algérie par les coupes budgétaires. Les financements chinois aident à maintenir ces projets d'infrastructures. Ces travaux d'infrastructures peuvent donc être menés, moyennant des financements chinois avec des taux d'intérêt faibles. Ce qui est un très bon "win win". Le financement des grands projets d'infrastructures par l'endettement est-il un choix judicieux dans un contexte de baisse importante des ressources financières de l'Etat ? Il ne convient pas de s'endetter comme dans les années 1980 pour importer des biens de consommation. Il faut que les financements sollicités soient causés et destinés à soutenir les activités de production, soit dans l'appareil productif, soit dans l'infrastructure d'accompagnement. Il s'agit, en un mot, de bien canaliser ce recours à l'endettement : financer les projets qui apportent une valeur ajoutée, une plus-value à l'économie nationale. En d'autres termes, il convient de financer les projets productifs ou les infrastructures qui accompagnent un pôle productif, par exemple une pénétrante routière qui relie un pôle productif à l'autoroute Est-Ouest ou désenclaver une zone industrielle. Il faut revenir à l'orthodoxie financière en ne finançant pas le court terme par le long terme, c'est-à-dire laisser les réserves de change, pour combler le déficit de la balance des paiements et contracter des crédits moyen terme pour le financement de l'appareil productif à des taux assez bas. Il convient également d'accompagner les financements moyen terme contractés par des solutions de change à terme mis à disposition par des banques locales ou internationales pour sécuriser lesdits investisseurs d'une dévaluation brutale, comme cela s'est passé au début des années 1990, et mettre tout en œuvre pour protéger le producteur ainsi que le Trésor public. Tout renvoie à la capacité d'un pays de s'endetter. C'est comme une entreprise si elle s'endette pour investir, pour finalement se développer, cet endettement ne lui posera pas problème parce qu'en se développant, elle renforce sa capacité de remboursement de crédits. Elle peut aisément rembourser ses crédits. Sa dette ne la gêne pas dans son développement. Par conséquent, s'il y a des choix judicieux dans la politique d'endettement, on ne risque pas de revenir à la situation de cessation de paiement des années 1990 et au recours au FMI. Appréhendez-vous une incapacité de l'Algérie à rembourser à moyen terme ces crédits ? Non, si c'est intégré dans un cadre d'investissement dans des projets productifs. Par ailleurs, cette politique d'endettement ne posera pas problème si elle est accompagnée du renforcement de la capacité de l'Algérie à générer le cash en boostant les exportations hors hydrocarbures et en drainant les capitaux des investisseurs étrangers et nationaux résidant à l'étranger. K. R.