Ce scénario aux conséquences sociales plus douloureuses peut être évité grâce à la mise en œuvre des réformes structurelles approfondies qui restent aujourd'hui inéluctables. En l'absence de profondes réformes structurelles, la même cause, une chute durable des prix des hydrocarbures pourrait avoir des effets négatifs plus lourds sur l'économie nationale car le contexte n'est plus le même (allusion aux conséquences du choc de 1986 et la situation de cessation de paiement où se trouvait l'Algérie en 1993), a conclu M. Rachid Sekak, économiste, ancien directeur de la dette extérieure à la Banque d'Algérie, dans une communication sur la dette extérieure de l'Algérie intitulée “Les mêmes causes auront-elles les mêmes effets ?” présentée lundi dernier, à l'invitation du Rotary-Club d'Alger. Le problème aujourd'hui, c'est l'économie réelle Le conférencier énumère ainsi les facteurs de changement du contexte qui vont peser dans un tel scénario : la convertibilité du dinar pour les transactions commerciales depuis 1997 qui rend les transferts de devises vers l'étranger plus importants ; envolée des importations : 20 milliards de dollars en 2005 contre 8 à 10 dans les années 80 et le début des années 90 ; avec la libéralisation du secteur des services, on a pu observer une forte poussée du déficit du poste des services (balance des services déficitaire) : - 2 milliards de dollars en 2004, - 3 milliards de dollars au cours des deux prochaines années (estimation), en contexte d'adhésion à l'OMC et d'accord d'association avec l'UE ; rapatriement de la part des associés de Sonatrach (exportation veut dire recette d'exportation, en 2004 la part des associés de Sonatrach a représenté plus de 3,2 milliards de dollars US) appelée à augmenter sensiblement dans les années à venir qu'il faut déduire donc des entrées exportations du pays. En résumé, dans un tel scénario, le choc sera plus lourd, et les effets sociaux plus importants : pertes d'emploi, tensions sociales résultant de l'incapacité de l'état à faire face aux besoins urgents (dépenses de santé, d'éducation, pour l'accès au logement, transferts sociaux). L'Algérie n'a plus de problème de dette. Le volume et la charge de la dette extérieure n'est plus une question économique majeure en Algérie, a souligné M. Sekak. En effet, a-t-il rappelé, on observe une tendance baissière depuis 1996. La dette à moyen et long terme a atteint 21,4 milliards de dollars en 2004, moins de 18 milliards de dollars attendue en 2005, contre plus de 33 milliards de dollars à fin 1996. La dette à court terme a évolué ainsi : environ 400 millions de dollars aujourd'hui contre 2 milliards de dollars au début des années 90. Le conférencier note également une amélioration sensible des termes de la dette (solvabilité et liquidité). Le niveau de la dette extérieure est redevenu viable. Le volume de la dette ne représente que 26,4% du PIB contre 76,10% à fin 1995. Quant au service de la dette, en un mot ce que paye annuellement l'Algérie à ses créanciers, il s'établit à 12,60% des exportations (83% en 1993) : 4,4 milliards de dollars : 3,4 milliards de dollars au titre du principal et 1 milliard de dollars d'intérêts. Est-ce que les éléments de notre économie réelle qui ont conduit aux problèmes de dette extérieure de la fin de la décennie 80 et du début de la décennie 90 ont disparu ? Telle est la question centrale à laquelle a tenté de répondre l'orateur. M. Sekak s'est appuyé dans son argumentaire sur une analyse rétrospective de l'évolution de la dette extérieure de l'Algérie. Le recours à la dette extérieure a connu plusieurs phases. À l'origine, notamment dans les années 70, le recours aux crédits extérieurs résultait d'une volonté politique forte de mettre en œuvre une stratégie de développement basée sur une croissance accélérée. Il s'agissait de générer une croissance plus rapide que celle que permettaient les capacités internes d'épargne. La dette extérieure du pays trouve sa source dans les financements de projets industriels (notamment industrie lourde et infrastructures). Nous sommes dans le schéma vertueux d'un endettement de financements de projets, observe M. Sekak. Malheureusement, poursuit-il, les conditions d'absorption de cet endettement extérieur n'étaient pas optimales. D'abord, les emprunts extérieurs ont servi à financer des programmes massifs d'investissements publics, soit d'infrastructures, soit sur des marchés intérieurs protégés. Ces investissements très souvent caractérisés par une maturation et une étude des besoins insuffisants ont conduit à des surdimensionnements et à une mauvaise maîtrise technologique. Au total, les produits financés n'ont pas produit les effets attendus en termes d'entrées en devises pour le pays. Ils n'ont pas provoqué l'effet substitution des importations ou d'accroissement des exportations qui étaient nécessaires au remboursement des prêts extérieurs mobilisés pour leur réalisation. Ensuite, la part des investissements orientée vers la production de biens intermédiaires et de biens de consommation a été relativement faible. En, conséquence, le système productif algérien est resté incomplet et mal intégré. Le tissu d'industries légères et intermédiaires est demeuré longtemps insuffisant. Enfin, l'appareil de production résultant de cet investissement a exigé un volume d'importation important pour son approvisionnement en matières premières, biens intermédiaires et pour sa maintenance. hyperdépendance de la rente pétrolière “Tout devient dépendant de la rente pétrolière”, a-t-il résumé. Avec la dégradation de l'environnement international de l'Algérie à la suite du choc pétrolier de 1986, on passe d'un endettement de financement à un endettement pour financer le déficit de la balance des paiements. Avec la dégradation continue de la situation macroéconomique, le pic avait été en 1993 avec la situation de cessation de paiement qui a rendu inéluctable le rééchelonnement de la dette extérieure avec son corollaire, le plan d'ajustement qui a valu de lourds sacrifices consentis par la population. Pour tirer les leçons du passé, éviter un scénario d'un nouveau choc pétrolier plus périlleux, plus dévastateur, et face à cette persistance des facteurs de vulnérabilité aux chocs extérieurs, l'économiste suggère une stratégie pour l'avenir : la diversification et la modernisation de l'économie à travers des réformes structurelles de grande envergure, la réforme du système financier et bancaire, en particulier l'amélioration de l'intermédiation, l'instauration d'une économie de la transparence, l'amélioration du climat des affaires. Au plan financier, il convient de préparer le retour de l'Algérie sur les marchés financiers, la conjoncture étant favorable (ce retour constituera l'un des amortisseurs à un nouveau choc pétrolier), d'œuvrer à une gestion plus active de la dette, essentiellement le remboursement de la dette extérieure par anticipation et de renforcer le cadre institutionnel, en particulier le contrôle interne des banques. N. Ryad