Il est l'auteur d'un des tubes qui avait fait sensation à la fin des années 70, dans la foulée de l'éclosion d'une pléiade d'artistes Kabyles, à l'image d'Idir, Ferhat, groupe Isulas, Aït Menguellet, Matoub, les Abranis, entre autres... Sa musique avait été choisie par le réalisateur Mohamed Slim Riad pour son célèbre film Hassan Taxi, dans lequel le défunt Rouiched campe le rôle principal. Eclipsé depuis plus de trente ans, Assam Mouloud revient sur scène à la faveur d'un gala qu'il animera dans quelques jours à Montréal. L'homme au tempérament timide, venu à la chanson presque par un concours de circonstances mais dont la réputation est demeurée intacte auprès d'une large frange du public kabyle, bercé par la fameuse chanson Ay Aqlalas, reprise récemment par Ali Amrane, explique dans cet entretien les raisons de son effacement et le bonheur qu'il éprouve de retrouver son public. Liberté : Ça vous fait quoi de retrouver le public après cette longue absence ? Assam Mouloud : C'est tout d'abord, pour moi, une sorte de renaissance et s'il y a un sentiment qui accompagne celle-ci et que je voudrais exprimer, en cette occasion, c'est bien celui d'un vif bonheur. L'idée de revenir a fait son chemin suite à plusieurs sollicitations du public et de plusieurs acteurs du milieu culturel, mais le déclic s'est fait lorsque Slimane Belharrat, journaliste libre, m'a convié aux côtés de Rabah Boudjemaâ, animateur à la Chaîne II, à participer à l'émission "Parole aux artistes", le 20 novembre 2014. Une émission au cours de laquelle j'ai interprété trois de mes chansons. Suite à quoi est venue cette invitation de la fondation Tiregwa pour animer un gala à Montréal. Bien entendu, après une trentaine d'années d'absence, il est évident et même certain que le public a évolué. Mais, naturellement, on s'efforcera d'être à la hauteur de ses attentes. Je suis déjà très enthousiasmé par l'accueil qui m'est réservé par les membres de la communauté kabyle ici au Canada, et ce, depuis mon arrivée.
Pourquoi le choix de Montréal pour remonter sur scène ? Le choix n'a pas été le mien, mais plutôt celui de la fondation Tiregwa d'Ottawa, notamment d'un de ses membres fondateurs, Rachid At Ali Uqasi, en l'occurrence. Cela fait plus d'une année depuis qu'il a pris contact avec moi dans l'espoir d'animer un gala à Montréal. Mais étant de nature un peu timide, le projet a dû être retardé. Il y a aussi d'autres raisons qui ont retardé mon voyage : mon fils Ghilas qui devait m'accompagner au piano n'avait pas encore fini ses études en musique. Il faut dire aussi que j'ai beaucoup réfléchi avant de donner mon accord, car il n'est pas facile de replonger dans le monde de la musique après tant d'années d'absence. Peut-on connaître justement les raisons de cette longue absence ? Pour comprendre ma décision, il faut revenir au contexte de l'époque. Je n'avais jamais eu l'intention de faire carrière dans le domaine de la musique et on ne pouvait à l'époque prétendre vivre de cet art. L'album que j'ai enregistré en 1978 chez Mahboubati ne l'a été que grâce aux encouragements de jeunes étudiants qui m'avaient suggéré d'aller voir Chérif Kheddam qui animait alors l'émission "Timlilit akw d'ufenan" sur les ondes de la Chaîne II. C'est lui d'ailleurs qui a pris la bande originale pour la faire éditer en France chez Club des artistes arabes associés. Après avoir participé à des galas organisés à la salle Atlas, puis à El-Mouggar, à la maison de la culture de Tizi-ouzou et Sidi Fredj, j'ai réalisé, grâce au concours de Meziane Rachid, un clip pour l'émission "La balade" de Bachir Belaroussi qu'on avait diffusé à la télé en février 1982. Après quoi, j'ai dû être appelé à choisir entre poursuivre une carrière musicale ou me consacrer à ma carrière professionnelle qui venait tout juste de commencer dans le domaine du bâtiment. La même année, j'ai été affecté à Tizi Ouzou dans le cadre de mon travail et c'est alors que j'ai décidé de ranger ma guitare de façon définitive et de consacrer entièrement mon temps à mon travail et à ma famille. Cette remontée sur scène signifie-t-elle un retour d'Assam Mouloud à la scène artistique ? L'initiative ne dépend pas de nous mais des responsables de la chose culturelle et autres responsables du mouvement associatif qui œuvrent à la promotion de la culture. Mais, effectivement, j'envisage un retour avec de nouvelles chansons dont la musique, pour certaines, est composée par mon fils Ghilas. Je me remettrai à composer, oui. Ça vous fait quoi de savoir qu'il y a encore, particulièrement parmi le public kabyle, ceux qui vous écoutent, malgré le peu d'albums que vous avez produits ? Naturellement, c'est un immense plaisir pour moi de savoir que des gens continuent d'écouter des chansons que j'ai composées à la fin des années 70. Cela veut dire qu'elles suscitent encore l'intérêt des gens et c'est tant mieux. C'est d'autant plus encourageant de savoir qu'on est écoutés par la nouvelle génération mais aussi que nos chansons sont reprises par une relève sûre, à l'exemple de la chanson Ay Aqlalas qui a été reprise par Ali Amrane. Comment jugez-vous la chanson kabyle aujourd'hui ? Il y a beaucoup d'énergie qui se déploie et un grand volume de production qui voit le jour mais les chanteurs d'aujourd'hui ont besoin d'être orientés et mieux encadrés. Des structures d'encadrement sont donc nécessaires. Pendant les années 70, on ne pouvait pas chanter autrement que comme on l'avait fait. C'était l'éclosion d'une pépinière d'artistes avec une multiplicité de styles, de voix et de thèmes, qui puisaient dans le terroir en lui insufflant une touche de modernité. Je pense notamment à Meksa, Sofiane, Malika Domrane, Idir, les Abranis, etc. (Que ceux que je n'ai pas pu citer m'excusent). Diversifier les sonorités et les textes crée la richesse : c'est cet objectif qu'on doit sans cesse viser. Etes-vous satisfait de votre carrière ? Et quelle est la chanson qui vous semble la plus aboutie ? S'il est vrai que ma carrière artistique a été courte, il n'en demeure pas moins que je suis très content de voir que ce que j'ai produit, il y a plus de 30 ans, a pu traverser le temps pour être apprécié de nos jours. Concernant mes chansons, il est difficile de choisir une au détriment des autres, c'est comme si on vous demandait lequel parmi vos enfants vous aimez le plus. Les gens me parlent souvent de la chanson Aqlalas, mais moi je la trouve toute aussi belle que les autres tels qu'Afalku, Tafsut, Ifriqia, etc. Un mot pour conclure... J'espère que le public sera nombreux le 31 octobre 2015, au théâtre Le Château, à Montréal. On fera la fête et un riche répertoire sera dédié au public à cette occasion. Ma gratitude va à tous ceux qui, en Algérie où ailleurs à l'étranger, travaillent inlassablement à la préservation et à la promotion de notre culture. Quand je vois le dynamisme de la communauté kabyle ici au Canada, je me dis que le plus grand espoir est permis. Qu'ils trouvent ici toute ma reconnaissance ! K. K.