Une heure du matin. Stade scolaire de la ville de Béjaïa. Premier acte du 9e Festival de la chanson amazighe qu'organise le comité des fêtes de la ville. Ali Amran, le rocker kabyle et sa troupe de choc accélèrent la cadence de sa dernière chanson de la soirée. Tavalizt, la chanson qui n'a pas fini d'enivrer jeunes et moins jeunes depuis sa sortie en 2009, garde son pouvoir ensorceleur. Refdegh Tabalizt lâaqliw yetheyer, irekviyi lhir chvigh amehbul (j'ai pris la valise, mon esprit tourmenté, envahi par l'angoisse comme un aliéné). Le public n'attendait que cela pour se déhancher comme un fou. Parmi ceux qui s'efforçaient pendant toute la soirée de vaincre leur timidité, certains ne pouvaient plus tenir sur leur chaise. On finit alors par céder à la tentation. On se rue sur la piste, en famille parfois. Les moins âgées parmi les femmes qui suivaient le rythme en tapant des mains ou en lançant quelques youyous, ont fini par faire un premier pas, puis un deuxième et passer le foulard autour de la taille. La foule est en délire. Soif de rythme. L'ambiance lui a fait oublier l'organisation défaillante du festival qui a débuté avec plus de deux heures de retard, ignorant royalement un public venu en nombre dont des familles qui ont dû rentrer chez elles, déçues après une longue attente debout, faute de places. Un point noir à corriger, notamment pour la soirée de clôture, où le gala de Mohamed Allaoua promet de drainer plus de monde. En attendant, la soirée de dimanche a été entamée par du chant chaâbi avec Aziz Bouraï, avant de céder la scène au jeune chanteur chaoui, Yuba, et aux rythmes targuis avec Fatima Tata et sa troupe venus d'Illizi. 23h passées, Mourad Guerbas fait son entrée avec ses chansons de variétés. Lmektuv, Ardjouyi, (Je pense à toi, patience). Guerbas puise dans son ancien répertoire, au grand bonheur de ses fans qui reprennent en chœur certains de ses titres qui continuent d'animer les fêtes kabyles. Place enfin à la vedette de la soirée. Ali Amran entame Akki d'Amur, titre de son album sorti en 2003, puis passe à son autre album d'où il reprend majestueusement la belle chanson d'amour Vghigh akem hemlagh (Je veux t'aimer). Khali Slimane ! réclame le public. Tavalizt, Tavalizt… L'artiste continue avec Sfina, Anef iyi kan, et Tilufa, avant que son orchestre ne se retire pour le laisser avec sa guitare sèche pour interpréter en solo l'émouvante Aqlalas, une chanson que Assam Mouloud a enregistrée en 1978 et à laquelle Ali Amran redonne une âme. Un pur moment de plaisir. Calme sur le stade pour mieux apprécier la poésie : Aya Aqlalas sbeê bu tissas, axelxel ablidi, kerhen-iyi medden fella-k, ahat nnan-ak, nek hesvagh-k seg lwali, s yikhef-ik i yeggulegh, armi yi-tedjidh wehd-i (Ô lion au courage glorieux, à l'allure citadine, à cause de toi les gens me haïssent, on te l'a peut-être dit, moi je te considérais mien, ne jurais que par toi, et toi tu m'as abandonné). Tavalizt ! tabalizt ! insiste le public. «Avant Tavalizt, c'est-à-dire le voyage, racontons d'abord ce qui se passe là-bas» répond, souriant, l'artiste à son public après avoir fait signe à son orchestre de le rejoindre sur scène. Et d'entamer Travail au noir, mariage blanc, où va ma vie en attendant,…en attendant, ce n'est pas marrant. Le refrain suscite des commentaires amusés des émigrés présents dans le stade. Est arrivé enfin le tour de Khali Slimane et l'ambiance monte d'un cran. Yuba, le guitariste aussi des Abranis, y met son grain. On enchaîne avec Tazla n wussan, avant de finir en beauté avec la très réclamée Tavalizt qui achève de combler un public aux anges, vite rattrapé, à la fin du gala, par les conséquences détestées de l'«oubli» de la commune de prévoir le transport.