En dépit d'importants prérequis, même histoire, même langue, même contexte socioculturel, les pays maghrébins n'ont pas su construire un espace économique commun, et cela coûte à chacun des pays entre 2 et 3% du PIB par an. La Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur (BMICE), en gestation depuis plus de 15 ans, pourrait être mise en place avant la fin de l'année en cours. Kouider Lahoual, un expert à la direction des affaires économiques de l'Union du Maghreb arabe (UMA), qui a annoncé la nouvelle lors d'un atelier de formation sur le processus d'intégration continental et la place de l'Afrique du Nord organisé, le 27 octobre dernier par la Commission économique pour l'Afrique des Nations unies (CEA), bureau Afrique du Nord, au profit des médias, a demandé aux journalistes de "suivre cette question" estimant que la mise en place de BMICE donnera un élan au processus d'intégration maghrébine. Tous les pays ont payé leur contribution au capital de la banque fixé à 500 millions de dollars. Le dernier à le faire est la Mauritanie. M. Lahoual a rappelé que la souscription de démarrage est arrêtée à 150 millions de dollars pour les cinq pays. "Le siège sera à Tunis. On est dans les préparatifs de la tenue de l'assemblée générale constitutive", a-t-il affirmé, précisant que cette institution permettra le financement de certains projets entre les pays de l'Union maghrébine. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, "le travail sur le plan technique au niveau du secrétariat général de l'UMA ne s'est jamais arrêté", a révélé M. Lahoual, expliquant que "l'intégration économique est un processus très long". L'expert de l'UMA a indiqué que plus de 50 à 80 réunions des experts et des commissions ministérielles sont organisées par an. Il a laissé entendre que le cadre juridique et réglementaire est, quasiment, finalisé, en attendant l'accord politique. Sur le plan des infrastructures les choses semblent, également, se mettre en place. M. Lahoual a parlé, entre autres, de la finalisation presque achevée des tronçons nationaux de l'autoroute maghrébine. Il a annoncé le lancement prochain d'une étude financée par la Banque africaine de développement (BAD) sur le train Trans-Maghreb, et la recherche du financement pour une étude du TGV maghrébin. Rien ne peut se faire sans le politique "Sans le feu vert du politique, on ne peut pas réussir l'intégration économique. Il faut également un environnement favorable", a expliqué l'expert de l'UMA. Depuis la création, en 1989 de l'UMA, 34 conventions maghrébines intéressant divers secteurs on été adoptées. Six seulement ont été ratifiées. Sur le plan des échanges intermaghrébins, le volume ne dépasse pas 3,5%. En dépit d'importants prérequis, même histoire, même langue, même contexte socioculturel, les pays maghrébins n'ont pas su construire un espace économique commun, et cela coûte à chacun des pays entre 2 et 3% du PIB par an. "C'est la région la moins intégrée d'Afrique. Or, nous avons tout ce qu'il faut pour être la région la plus intégrée du monde, à savoir, pétrole, gaz, minerai, agriculture, ressources humaines, etc. sans oublier l'identité culturelle commune", a constaté Habib Benyahia, secrétaire général de l'UMA, à l'ouverture des travaux d'un atelier du secteur privé nord-africain sur les défis de l'intégration commerciale dans le contexte de la Zone de libre-échange continentale africaine. Le SG de l'UMA a estimé que "l'intégration maghrébine dans tous ses aspects économique, social ou sécuritaire demeure le moyen incontournable pour permettre une accélération de la croissance, la création d'emploi et la lutte contre les affres du sous-développement et de l'instabilité chronique". Selon M. Lahoual, citant une étude de la CEA, le commerce maghrébin, en 2012, est à plus de 68% à base de produits primaires à faible valeur ajoutée, dont 76% viennent des exportations de combustible. Les articles manufacturés de haute technologie et à compétences élevées ne représentent que 8,5% du total du commerce maghrébin. L'expert de l'UMA a constaté une faible complémentarité commerciale (absence de projets fédérateurs maghrébins), une faiblesse des contacts entre hommes d'affaires et un manque de dynamisme du secteur privé qui a besoin de moyens et d'encadrement pour jouer pleinement son rôle. Lancement des négociations pour la mise en place de la Zone continentale de libre-échange Au cours de l'année 2015, le continent africain a franchi une étape importante vers son intégration avec le lancement des négociations pour la mise en place de la Zone de libre-échange continentale (Zlec) à l'occasion du sommet de l'Union africaine de juin 2015 en Afrique du Sud. Ceci fait suite à la décision prise en janvier 2012, lors de la 18e session ordinaire de l'assemblée des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, d'entamer en 2015 des négociations pour la mise en place d'une zone continentale de libre-échange, avec 2017 comme date indicative pour la finalisation de l'essentiel d'un accord. La Zlec est reconnue dans l'Agenda 2063 comme un jalon important vers le but ultime de créer un marché commun africain de près d'un milliard de consommateurs et un produit intérieur brut de 3 000 milliards de dollars et la réalisation d'une communauté économique africaine, conformément au traité d'Abuja et à l'acte constitutif de l'Union africaine. Les travaux de la CEA, indique Nassim Oulmane, directeur par intérim du bureau de la CEA en Afrique du Nord, relèvent un accroissement attendu du commerce intra-africain de plus de 52% (35 milliards de dollars) d'ici à 2022. En juin dernier, les dirigeants de vingt-six pays d'Afrique ont signé le traité créant une zone tripartite de libre-échange (Tripartite Free Trade Area, TFTA), regroupant la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE), la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et le Marché commun pour l'Afrique orientale et australe (Comesa). L'Afrique est, aujourd'hui, l'objet de toutes les attentions. Le Maroc, déficitaire avec l'Union européenne, déploie, depuis quelques années, une véritable offensive économique et commerciale. Zakia El-Midaoui, directrice de la coopération multilatérale et des affaires économiques internationales au ministère des Affaires étrangères marocain, a indiqué que le Maroc a créé un fonds dédié à la promotion de l'investissement marocain en Afrique. Elle a souligné que la politique commerciale à l'égard de l'Afrique est soutenue au plus haut niveau de l'Etat marocain. Afrique : la stratégie marocaine Depuis son accession au trône, le roi du Maroc Mohammed VI multiplie les voyages sur le continent. "Les échanges commerciaux entre le Maroc et de nombreux pays ont été multipliés par 5 sur une période de 10 ans", a affirmé Zakia El-Midaoui. Les stratégies déployées par les grands opérateurs économiques marocains, la banque Attijariwafabank, la compagnie aérienne Royal Air Maroc (RAM) et Maroc Télécom, attestent de la percée réelle et significative des entreprises marocaines sur les marchés africains. Mme Mariétou Coulibaly Amegnizin à la Chambre consulaire régionale de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a évoqué la finalisation d'un projet de texte d'accord commercial et d'investissement entre le Maroc et l'UEMOA. Avec l'Algérie, les discussions sont toujours en cours. Mariétou Coulibaly Amegnizin a rappelé la visite d'une mission de l'UEMOA à Alger en 2006 et l'accueil d'une mission algérienne à la commission à Ouagadougou fin janvier 2008. Elle a évoqué l'entame des discussions autour du schéma préférentiel proposé par la partie UEMOA et intégrant les acquis des négociations avec le royaume du Maroc et la Tunisie. "La partie algérienne, tout en prenant acte de ces propositions, a demandé à la partie UEMOA de proposer une période au terme de laquelle la réciprocité sera rétablie", a indiqué Mariétou Coulibaly Amegnizin. Dans le contexte économique actuel caractérisé par la chute brutale des prix du pétrole, l'Algérie affiche un nouveau dynamisme dans sa politique économique axée, essentiellement, sur l'investissement économique en Afrique. L'idée d'organiser un grand forum Algérie-Afrique destiné à promouvoir les opportunités de partenariat d'affaires Sud-Sud a été avancée. Mais aucune date n'a été fixée. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait annoncé la volonté du gouvernement de s'ouvrir sur le marché africain, promettant d'accompagner les entreprises algériennes dans le processus d'exportation. M. R.