La capacité d'Abdelaziz Bouteflika à gouverner est à nouveau mise en doute. Mais cette fois-ci, par dix-neuf personnalités connues pour être proches du président de la République. Elles lui demandent carrément audience. Motif : les récentes décisions prises au sommet de l'Etat. Ce groupe composé d'anciens ministres, de moudjahidine et de personnalités politiques doute que la gouvernance actuelle du pays soit l'œuvre du chef de l'Etat. Il s'agit, entre autres, de l'ancienne ministre de la Culture Khalida Toumi, les deux moudjahids et anciens condamnés à mort Abdelkader Guerroudj et Zohra Drif-Bitat, ainsi que la SG du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune. Ces dix-neuf personnalités ont saisi officiellement le président de la République, le 1er novembre 2015, pour attirer son attention sur "la dégradation du climat général dans notre pays". La lettre (voir ci-dessous) se veut aussi une demande d'audience. Deux copies ont été remises en main propre au directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, et au secrétaire particulier du chef de l'Etat, Ahmed Rougab. Comme aucune suite n'a été donnée à ce courrier, les signataires ont décidé de rendre publique leur démarche. Hier, Louisa Hanoune a longuement expliqué cette initiative, lors d'une conférence de presse à Alger, en présence de la majorité des signataires. "Nous voulons prendre l'opinion publique à témoin. Les portes de la présidence de la République sont fermées. Nous doutons que notre correspondance soit parvenue au Président. D'où le choix de rendre la démarche publique", a-t-elle révélé. Louisa Hanoune a certifié que cette action n'a rien d'une initiative ou encore d'un programme politique. "Nous voulons seulement avoir le cœur net. Nous voulons savoir si le chef de l'Etat est au courant de certaines décisions, certains agissements et comportements qui mettent en péril le fondement même de la nation", a-t-elle ajouté. La SG du PT a considéré la demande d'audience "légitime", dans le sens où "le président de la République connaît personnellement la majorité des signataires". Tout comme eux "le connaissent bien d'ailleurs". Raison pour laquelle l'ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui s'exprimait en marge de la rencontre, a jugé que "certaines décisions ne lui ressemblent pas". Elle dit avoir travaillé longtemps sous les ordres d'Abdelaziz Bouteflika, pour savoir "ce qui est sacré pour lui". Elle cite l'exemple du droit de préemption de l'Etat, un principe qu'elle qualifie de "cher au Président". L'avant-projet de loi de finances 2016 introduit, en effet, la possibilité pour les investisseurs étrangers de contourner le droit de préemption de l'Etat, en cédant leurs participations dans les entreprises algériennes via la Bourse d'Alger. Une décision qui, aux yeux de Khalida Toumi, ne peut en aucun cas "émaner d'Abdelaziz Bouteflika". Enfin, Louisa Hanoune a fait savoir que trois solutions s'offraient au groupe des dix-neuf : "Prendre le maquis, sortir dans la rue ou s'adresser au Président." Elle dit que le choix a été porté sur la voie légale, pour éviter tout dépassement. Dans le cas où la demande d'audience ne trouverait pas une réponse favorable, la SG du PT informe que d'autres actions seront engagées. "Si l'on nous refuse de voir le Président, nous allons entrer en concertation pour décider de la voie à suivre. Dans tous les cas, notre démarche sera légaliste, en totale conformité avec la loi et dans le respect des institutions de la République", a-t-elle conclu. M.M.