Présenté par le ministre des Finances, hier, à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances 2016 est loin d'être du goût de la grande majorité des députés, y compris certains parmi ceux des partis qui détiennent la majorité. Pour l'une des rares fois dans les annales de la présente législature, les députés, toutes obédiences confondues, accordent leurs violons pour dénoncer une loi "de crise qui pénalise les citoyens plus qu'elle ne répond aux besoins du contexte économique". Mieux, dénonce le Parti des travailleurs (PT), cette loi travaillerait plus les intérêts de l'oligarchie que ceux du peuple. "Dans cette loi, l'empreinte de l'oligarchie est manifeste", regrette Ramdane Taâzibt, député du PT, la qualifiant de texte qui "remet en cause les équilibres économiques et sociaux, donc les acquis de la loi de finances complémentaire de 2009". "Il s'agit d'une loi qui rompt avec tous les équilibres précédents", déplore-t-il. Il en veut pour preuve, entre autres, la modification de la sacro-sainte règle 51/49 dans le but de "laisser plus de libertés aux partenaires étrangers". Il est également hostile au retour à la privatisation que permettrait l'article 66 contenu dans ce projet de loi de finances 2016 qui donne la possibilité aux opérateurs résidents de détenir jusqu'à 66% du capital d'une entreprise. M. Taâzibt dénonce, en outre, une loi qui n'apporte aucune mesure pour un meilleur contrôle du commerce extérieur, et ce, rappelle-t-il, malgré les "20 milliards de dinars de surfacturation" évoqués récemment par le ministre du Commerce lui-même. Pour M. Taâzibt, il y a "une contradiction flagrante entre cette loi de finances et le discours du président de la République dont les orientations des politiques économique et sociale contrastent avec celles contenues dans cette loi". D'où son alerte contre une loi "dangereuse pour la sécurité nationale". Cela, ajoute-t-il, d'autant plus qu'elle ne comporte aucune proposition visant à encourager la production nationale, encore moins la diversification de notre économie. Pour le représentant du PT, cette loi menace davantage les acquis sociaux, donc le pouvoir d'achat des citoyens, et ouvre, en revanche, la voie pour que les riches s'enrichissent davantage. Pour tenter d'y remédier, le PT compte proposer quelque 40 amendements. De son côté, Ahmed Bettatache, député du FFS, qui se dit "naturellement opposé à tout ce qui touche au pouvoir d'achat des citoyens", dénonce une "loi de crise qui confirme l'incapacité du pouvoir, otage des recettes pétrolières, à proposer une alternative économique en mesure de prévenir la crise qui guette le pays". Il s'en prend aux "décideurs qui ont montré leurs limites, mais qui refusent toujours d'assumer leurs échecs". Pour lui, le règlement des problèmes économiques et sociaux du pays doit inévitablement passer par "la refondation du système de gouvernance". Le député du FFS, qui refuse néanmoins d'engager la responsabilité de son parti en préférant parler en son nom, est désormais convaincu qu'un "changement radical" s'impose plus que jamais. Sans aller jusqu'à partager cette revendication devenue commune à l'ensemble des partis de l'opposition, Abdelkader Hedouche, député du FLN, représentant de la diaspora de la région France-Sud, n'est pas moins convaincu de la nécessité de "revoir le mode de gouvernance". "Cette loi de finances est, certes, imposée par le contexte économique actuel qui exige de la rigueur et de l'austérité, mais l'Etat est plutôt appelé à rationaliser les dépenses publiques et à définir plutôt une politique anti-gaspillage." Il préconise de revoir la politique des subventions dont bénéficient à présent toutes les couches sociales, sans distinction entre les riches et les pauvres. De son point de vue, il est temps de revoir cette politique en pensant à remplacer le système de subventions par un mécanisme de compensation qui devrait profiter uniquement aux couches démunies. Dans leurs interventions respectives lors de la séance consacrée au débat, d'autres députés n'ont pas été tendres avec ce projet de loi présenté par le gouvernement. C'est le cas, entre autres, de Youcef Khebaba et de Lakhdar Benkhelaf, respectivement d'Ennahda et du FJD. Pour M. Benkhelaf, ce projet de loi "est dicté par les détenteurs de l'argent sale (...)". Reste à savoir si ces députés pourront peser pour remettre en cause ce projet de loi et pousser le gouvernement à revoir sa copie. Ce serait aussi une première dans les annales de la présente législature. F. A.