Certains articles risquent de porter grandement préjudice à l'économie du pays. Dans la cohue, la confusion et la contestation. Le projet de loi de finances 2016 a été adopté, lundi 30 novembre, à la majorité par l'Assemblée populaire nationale (APN) lors d'une séance plénière qui a donné lieu à des altercations entre des députés de l'opposition et certains de leurs collègues de la majorité FLN. Le malaise vient essentiellement par le fait qu'aucun amendement apporté par l'opposition n'a été adopté. Pourtant, tous portent sur des dispositions qui engagent une orientation de la politique économique décriée par cette opposition. À commencer par l'article 2 de la LF 2016. Cet article permet l'annulation de la disposition imposée par la loi de finances complémentaire 2009 aux investisseurs pour réinvestir la part des exonérations fiscales dont ils bénéficient dans l'objectif d'encourager les investissements et la création des richesses. La nouvelle loi de finances leur permet tout simplement de ne plus réinvestir les avantages fiscaux. Smaïl Lalmas, président d'Algérie Conseil Export, reste perplexe et se demande si cette mesure vient d'un constat ou si c'est une revendication patronale. Selon lui, il n'est pas normal, pour un pays en quête d'investissement de se priver ainsi d'un outil qui pousse à plus d'investissement. Par ailleurs, il estime qu'un entrepreneur est par essence quelqu'un qui va vers l'investissement. Plus clairement, cet article constitue un frein à l'investissement. L'article 76 est aussi l'autre pomme de discorde qui fait peur aux économistes. Cette disposition permet aux entreprises algériennes de céder leurs actifs via la Bourse d'Alger. Mais le droit de préemption n'est pas imposé à ces cessions et n'importe quel investisseur étranger peut s'approprier la totalité des actions, s'il passe par la Bourse. Surtout que le mécanisme de fonctionnement accuse des déficiences. Pour Smaïl Lalmas, l'article qui inquiète le plus est l'article 66 relatif à l'ouverture des capitaux des entreprises publiques aux investisseurs privés, lesquels, pourraient racheter dans un premier temps 66% des actions des entreprises publiques avant de pouvoir, au bout de quelques années, atteindre les 100%. Le président d'Algérie Conseil Export y relève de nombreuses contradictions. Selon lui, on parle de partenariat public-privé mais avec quel privé ? National ou étranger, ou les deux ? Il ajoute qu'on oblige les investisseurs étrangers à ne pas aller au-delà des 49% dans leurs investissements en Algérie mais on ouvre le capital des entreprises publiques à hauteur de 66%. Allant plus loin, il n'écarte pas la possibilité que l'acquéreur national puisse vendre l'entreprise plus tard à qui il veut. En plus qu'en est-il des secteurs stratégiques ? Peut-on écarter l'idée de voir un jour un investisseur privé acheter une entreprise comme Sonelgaz ? Notre interlocuteur précise qu'il n'est pas contre l'ouverture du capital des entreprises publiques qui ne marchent pas. Cependant il ajoute que cet article protège plus l'acquéreur. Concernant l'article 71 qui donne au gouvernement "latitude de décider, par décret motivé sur rapport du ministre des Finances, de l'annulation ou du gel de projets lorsque les équilibres budgétaires sont compromis", Smaïl Lalmas est moins tranchant. Selon lui, le ministre des Finances dispose déjà de larges prérogatives en la matière. Ce qui fait défaut, selon lui, c'est plutôt les mécanismes de surveillance. Sur cet article, il regrette le manque de clarification dont il souffre. Globalement, Smaïl Lalmas qualifie cette loi de finances de bricolage. Elle est, précise-t-il, une réaction à une situation de crise. Telle qu'elle a été adoptée, elle donne de la crédibilité au groupe des 19. Enfin il ajoute qu'elle aurait beaucoup gagné si elle avait été pensée dans le cadre d'une vision globale de changement de modèle économique. S. S.