C'est tout le projet de loi de finances, dans sa globalité, sa philosophie, qui est contesté par les députés de l'opposition et même d'une partie de la majorité, même si, bêtes et disciplinés, ils ont obéi aux consignes de vote de leurs partis. Ce PLF 2016 augure des turbulences à venir, car il traduit la politique d'austérité du gouvernement. Il est vrai que la marge de manœuvre de ce dernier, contraint à la gymnastique budgétaire, est réduite. Mais le texte, au motif de la "gestion rigoureuse des ressources" et au prétexte d'asseoir une politique d'ouverture, notamment sur la capital privé, pourrait conduire à des ruptures. Mais deux articles ont particulièrement cristallisé la colère des députés de l'opposition. D'abord, le fameux article. Il stipule que "les décrets d'ajustement peuvent être pris sur le rapport du ministre chargé des Finances, en cours d'année, pour prendre en charge, par le gel ou l'annulation des crédits destinés à la couverture des dépenses, une situation d'ajustement nécessaire en cas de détérioration des équilibres généraux". Les députés de l'opposition ont exigé le retrait pur et simple de cet article pour deux raisons : primo, il consacre, de facto, la toute-puissance de l'Exécutif sur le législatif ; secundo, il jure avec le principe de séparation des pouvoirs. Le gouvernement, via les députés du FLN, a dû se livrer à un travail de lobbying qui ne s'est pas trop embarrassé d'éthique politique pour sauver cet article. Le ministre des Finances, défendant son mécanisme budgétaire, a indiqué que cette pratique était répandue de par le monde et visait simplement à consacrer le principe d'une gestion "prudente" des ressources de l'Etat et qu'elle allait contribuer à diversifier ses ressources de financement, puisqu'il n'est plus possible de continuer à financer l'investissement par le budget uniquement. Au final, Benkhelfa est parvenu à faire fléchir la commission des finances qui rejette la proposition de faire passer à la trappe cette disposition. La seule concession qui est faite à l'opposition est l'obligation faite au ministre des Finances de se présenter à l'APN pour faire une communication au terme de chaque exercice budgétaire. L'autre article, c'est le numéro 66 du projet. Il porte sur l'ouverture du capital de l'entreprise publique au privé. Pour l'opposition, cette disposition va ouvrir inévitablement une brèche pour les porteuses de capitaux douteux de s'approprier au dinar symbolique des entreprises étatiques au prétexte de les renflouer financièrement. Le Parti des travailleurs, dont les députés se sont particulièrement braqués contre cette article, estiment que c'est la porte ouverte à "l'oligarchie", au détenteur de "l'argent sale", d'accaparer le secteur public. Face à la levée de boucliers suscitée, le gouvernement a marqué un certain recul en limitant, dans un premier temps, l'apport de l'opérateur privé national à 34% du capital seulement, avant une éventuelle cession au bout de cinq ans de partenariat. R. N.