"Même si l'on opte à l'avenir pour un dégel, le projet ne se réalisera pas avec de tels prix et de pareilles conditions", selon notre source. Les offres technique et financière des soumissionnaires, jugées surévaluées, sont à l'origine du gel du projet des cinq nouveaux CHU. L'Agence nationale de gestion des réalisations et des équipements des établissements de santé (Arees) s'est chargée, elle-même, de l'étude de la proposition technique des entreprises réalisatrices. Pour leur suggestion financière, l'Arees s'est référée aux contrats que ces multinationales ont signés dans la région du Golfe et en Europe. Elle a également pris en compte les réalisations de ces mêmes entreprises en Algérie et de par le monde. Ce laborieux et minutieux travail a donné lieu à des résultats dissuasifs, voire inconcevables. Il s'est avéré que les prix proposés par ces sociétés pour l'étude, la réalisation et la fourniture des équipements, tel que prévu dans le cahier des charges, ont été surestimés. Les montants proposés pour l'étude et la réalisation de ces hôpitaux ont été évalués selon l'Arees, à deux fois ceux pratiqués ailleurs. Idem pour les équipements et la gestion, estimés à trois fois le prix de ce qui se fait dans le monde. Pire encore, les entreprises ont posé des conditions "draconiennes" en flagrante contradiction par rapport à la réglementation en vigueur et aux dispositions du code des marchés publics. Après avoir pris connaissance du dossier dans tous ses aspects, il a été décidé de geler le projet. Mais gel ne veut nullement dire report ou annulation, explique une source proche du dossier. "Même si l'on opte à l'avenir pour un dégel, le projet ne se réalisera pas avec de tels prix et de pareilles conditions", soutient notre source. Des observateurs très au fait du secteur avouent que les hôpitaux ne souffrent pas d'un déficit énorme en lits. C'est dire que l'édification des 10 centres hospitalo-universitaires, projet cher au président de la République, se veut en fait un sursaut qualitatif pour que notre pays s'aligne sur les standards internationaux en matière de soins. Le plus urgent aujourd'hui, en revanche, c'est de concrétiser l'action d'envergure, de modernisation des 15 CHU existants. À l'Arees, on parle de restructuration qui consiste en la démolition et la construction sur sites occupés par le biais de ce qu'appellent les spécialistes "opération tiroir". Il faut, au préalable, réfléchir, trouver des solutions et veiller au fonctionnement simultané de tous les départements et autres services de l'hôpital, objet de réaménagement. Ce qui permet aux responsables de l'Arees de penser d'ores et déjà à une extensibilité d'ici à 30 ans. De cette restauration, il est également attendu un renouvellement de tout le patrimoine de la santé dont dispose l'Algérie. Des dizaines de milliards de dollars gagnés par le Trésor public Mieux, la réorganisation de la gestion des lits sur tout le territoire national, autre chantier dans lequel s'est engagée l'Arees, classera l'Algérie parmi les pays en conformité avec les normes internationales requises par l'OMS (Organisation mondiale de la santé), à savoir 3,5 lits/1 000 habitants. S'agit-il d'une stratégie de rationalisation mise en œuvre au sein de l'Arees ? La rationalisation, pour le directeur général de cette agence, Lazhar Bounafaâ, c'est savoir négocier les contrats et maîtriser parfaitement les coûts d'un projet. C'est aussi, indique-t-il, de réussir à contrôler, suivre pour enfin respecter l'échéancier, c'est-à-dire le délai de réalisation. Même les entreprises étrangères, relève-t-il, ne respectent pas les délais de réalisation, car 80% des projets actuels sont réévalués. "Or, la rationalisation des dépenses implique l'existence préalable de cette condition du respect des délais et la concrétisation du projet dans les temps impartis", soutient le DG de l'Arees pour qui, un "projet réévalué est synonyme de gaspillage". La non-maîtrise des délais de réalisation engendre, déplore-t-il encore, des conséquences négatives sur la qualité de l'ouvrage à réaliser. Le gel des 5 CHU, insiste M. Bounafaâ, ne veut dire ni annulation ni report. Le lancement des travaux est prévu alors pour quand ? "Le projet sera réalisé lorsque l'opération de rationalisation des dépenses, introduite dans le cadre du développement local, donne des résultats satisfaisants", répond le DG de l'Arees. L'alerte donnée par l'Arees quant à la surestimation des offres des soumissionnaires et la non-signature des contrats avec ces derniers ont, faut-il le souligner, fait gagner au Trésor public, donc à l'Algérie, plusieurs dizaines de milliards de dollars. L'on imagine la situation dans laquelle se retrouvera le Trésor si ces accords sont paraphés, notamment en cette période de crise... B. K.