Les médias et les journalistes ont une responsabilité concernant l'image et le discours véhiculés sur la femme algérienne. Le constat a été établi, hier, par de nombreux participants à la journée de réflexion sur la violence faite aux femmes, qui s'est tenue au siège de l'Unesco, à Alger. Une manifestation a été organisée par le Réseau Wassila/Avife (RWA) et l'association Femmes en Communication (FEC) afin de poursuivre le débat, engagé ces dernières années, avec les journalistes de la presse écrite, de la télévision et de la radio. D'emblée, la sociolinguiste Fatma Alioua, membre du RWA, a planté le décor, en prévenant que "quelque chose est en train de se passer dans nos familles en relation avec les médias, surtout avec les TV étrangères". Son propos concerne "l'impact" des feuilletons, films et documentaires sur l'imaginaire de la population. Selon elle, il y a le feu à la maison, car les séries télévisées et les documentaires, diffusés quotidiennement, déversent des images et messages rétrogrades, dévalorisants, voire avilissants, de la femme et de la jeune fille. Une raison suffisante, d'après Nefissa Lahrèche de FEC, pour "changer" ce regard offensant livré, "notamment par la TV algérienne et les chaînes arabes". De son côté, la sociologue Fatma Oussedik, également membre de RWA, a estimé que le débat sur les femmes dans les situations de violence renvoie à 2 éléments fondamentaux : "Le registre de la perception et celui de l'interprétation." Pour l'intervenante, les signaux envoyés par les médias, en particulier les TV, sont en fait des "signaux envoyés par l'ordre social", qui montrent "un désordre social invisible" où il ne faut pas "toucher à l'ordre patriarcal, l'ordre politique". Les journalistes algériens devraient, selon elle, s'engager sur "une charte d'éthique (qui) les engage envers les victimes" et prendre "acte de leur responsabilité sociale". Aujourd'hui, dira-t-elle, il faut "interroger cet ordre social", mais aussi "s'interroger sur les signes" envoyés par les médias, à travers les écrits, les images et les messages. Au cours de la journée d'hier, le débat s'est enclenché autour des séquences d'un reportage d'Ennahar TV (chaîne algérienne), ayant ébranlé dernièrement des familles entières, qui relate avec un parti-pris flagrant, la vie des étudiantes au sein des cités universitaires, ainsi que des séquences de 2 feuilletons, l'un algérien et l'autre syrien (le fameux Bab el-hara), où celui-ci, classé à "la première place" dans le monde arabe, impose "la normalisation de la polygamie". Dans leurs interventions, les professionnels des médias qui se sont relayés ont noté que, pour le reportage d'Ennahar TV, réalisé grâce à une caméra cachée et présenté par 2 jeunes femmes journalistes, il y a "absence totale d'éthique" et "transgression des principes fondamentaux du métier". Les 2 présentatrices, qui "débarquent sûrement dans la profession", se présentent à la fois comme des "juges" et des "gardiennes de la morale". Par ailleurs, il est noté un certain "décalage" entre le discours et les images véhiculées, où "une" réalité, celle de "la misère sexuelle des jeunes", est utilisée pour "salir toutes les étudiantes et la vie en cité U", "ternir l'image de la femme". "On a l'impression d'un discours tout préparé", a soutenu Mme Alioua. Un discours prononcé par des femmes pour le rendre "plus crédible" et excluant toutes les autres "réalités et leur complexité que présente cette Algérie plurielle". "Le problème n'est pas tellement dans la perversité de ce qui nous est montré ; c'est de la provocation, c'est de la politique", relèvera le réalisateur Belkacem Hadjadj. H.A.